15.9.07

Ikebana de Susumu Saiki - Ikenobo School


L'art japonais traditionnel de "l'arrangement des fleurs coupées", ou Ikebana, reste peu connu. Il est considéré par les puristes comme une discipline soeur du tir à l'arc ou de la cérémonie du thé. Car se concentrer jusqu'à faire un avec sa cible, porter à la perfection le rituel de partage du thé, ou chercher l'expression la plus simple et la plus authentique de quelques fleurs et branches (union avec la nature), ce ne sont là que différentes modalités d'une quête intérieure de l'harmonie et du recueillement. La transmission de ce savoir secret se faisait auparavant à la manière extrême orientale (c'est-à-dire sans truchement de la parole qui risque de figer la connaissance ) et donc par l'observation et la répétition des gestes du maître, suivis d'innombrables exercices et de recommencements. Une véritable initiation.

On est assez loin, aujourd'hui, de cette exigence spiritualiste qui caractérisait l'enseignement des maîtres. Les règles strictes de la discipline d'antan se sont assouplies et ouvertes, facilitant l'accès des amateurs à des créations florales plus libres et tout aussi pleines de naturel. En sillonnant les sites dédiés à cet art, je tombe régulièrement sur de très belles compositions ; dont celle-ci, d'une grande simplicité.

Trois branches structurent cet arrangement de type classique, appelé seikwa, qui selon les principes de base doit former globalement un triangle. A la différence de l'harmonie occidentale souvent fondée sur la symétrie, l'esthétique orientale préfère l'impair, le déséquilibre, d'où cette composition en triptyque, dont les vecteurs doivent par ailleurs être de grandeur inégale. La plus haute branche symbolise le ciel et la dimension aspirationnelle que l'on veut donner à l'arrangement. La branche moyenne symbolise l'homme et sa position dans son environnement. La petite branche s'incurvant vers le ciel symbolise la terre, et se trouve ici par exemple rattachée à une petite masse végétale. Les trois branches, en réalité séparées, doivent donner l'impression d'être issues d'un même rameau, ce qui est parfaitement réussi dans cet arrangement.
Vous pouvez apprécier également le déséquilibre avec lequel l'ikebana fait basculer à l'extérieur le centre de gravité de la composition, respectant l'épanchement naturel des fleurs. Encore une différence avec notre esthétique du bouquet occidental, qui aime peu voir des éléments floraux "pendre" hors du vase.
L'ensemble crée l'impression d'un mouvement rotatif, ou centrifuge, comme si ces quelques baies rouges se développaient en hélice à partir de leur centre pour s'épanouir en fleurs de prunus ou de cerisiers. Superbe !

9.9.07

A Small, Good Thing - Slim Westerns Vol.I


Andrew Hulme est une personnalité aux multiples facettes : pierre angulaire de plusieurs groupes des années 90 (O yuki Conjugate, 7, The sons of silence, Spoke), il a également travaillé avec deux excellents guitaristes, Tom Fazzini et Mark Sedgwick, au sein du bien nommé A small, good thing, dont Slim Westerns, tout au moins le volume I (1994 - car je n'ai pas écouté la suite qu'ils ont donnée à cette belle échappée planante), est le premier et probablement le meilleur des trois disques jamais sortis. A situer entre un Morricone lysergique, un Calexico ambient, et le Ry cooder de Paris-Texas dans les scènes paysagistes initiales.
C'est dire que les guitares sont ici à l'honneur - câbles électriques tirés le long de routes sans fin -, cordes réverbérées, traitées ou maltraitées (Hole in the Heart), qui tracent les lignes de fuite d'un far-west surréel. Lâchées par amples pincées sous le soleil, ou alors glissant tels des busards slide dans l'air étalé en nappes denses. Des ébauches de mélodies folkisantes basculent parfois, entre chien et loup, dans une atmosphère d'abandon, ponctuée de cloches funèbres (Twice As Evil As You), de percussions sèches et guimbardes aux vibrations âpres (Saguaro). Le sifflement d'un lasso, suivi de raclements, ouvre une scène mystérieuse dans Gulch. Les façades rugueuses des canyons s'adoucissent sous les brumes électroniques et les échos de lointaines chorales. De brefs dialogues, des ferraillements de trains, rappellent les ambiances plus typiques des westerns ; mais les mirages reprennent vite le dessus, détourant des plans qui s'effacent aussitôt entre aperçus. Slim Westerns restitue les aspérités de ces territoires, comme à travers l'oeil d'un condor qui chercherait la portance des grands courants aériens et les frémissements de l'infiniment petit.

Mark Sedgwick (acoustic & electric guitars, glissando, keyboard, percussion, mouth harp, electric slide, bass, simulated gate, reclusion)
Tom Fazzini (guitar, keyboards, tapes, voice, typewriter, acoustic slide, celeste, rubber band machine)
Andrew Hulme (keyboards, percussion, trumpet, whistles, wildlife, dry guitar chops, bogus marimba, edit, FX)

UK group A Small Good Thing is the brainchild of Andrew Hulme, better known as the driving force behind seminal tribal ambience group O Yuki Conjugate, whose Peyote and Undercurrents albums are classics of the genre. Slim Westerns represents a directional, and inspirational change for Hulme, whose customary preoccupation with tribal rhythms is here superceded by a kind of pulp fiction-inspired, and occasionally almost quirky ambient ode to the American "wild west".

Opening to the crisp, clear sounds of a kind-of laid-back, twangy, Ry Cooder-ish steel-stringed guitar piece, overlaid with the thick electro-atmospherics that have long been the hallmark of O Yuki Conjugate recordings, Slim Westerns makes an immediate impression; it is an impression of wide open spaces, shimmering, heat-haze crazed horizons, and - you guessed it - big men in Stetsons and spurs who shoot straight and ride tall in the saddle!
The curious and original thing about this album is its evocation of the "wild west" as a memory of too many rainy Saturday afternoon B-Grade serials at the Bognor Palladium, or any of its incarnations elsewhere in middle Britain. As such Slim Westerns betrays the cold, northerly aspect of its European heritage, and in so doing provides an interesting comment on the near-universal permeation of American cultural iconography in the second half of the Twentieth Century. The album is an eccentric and thoroughly overblown parody of its subject (witnessed by track titles such as: Twice as Evil as You, Hole in the Heart, Gunsmoke and Jane Russell), yet at the same time its half-out-of-tune saloon bar piano feel and dreamy Harold Budd-inspired resonant spaces lend it a listenability born of inspiration rather than derivation.
Somewhere South of Here is the recording's standout piece, locating spoken word samples of delerious religious fervour in a (spiritually?) empty ambient landscape, and throwing in undertones of implicit violence and madness for good measure; it is a piece which veritably glistens in the noonday sun whilst hiding a heart as black as coal - the perfect sonic image of the fatally flawed, simplistic duality which lies at the the centre of the "wild west" myth.

6.9.07

Jacques Rougemont - Histoires feintes





Je découvre avec délectation l'univers joyeusement macabre et iconoclaste de Jacques Rougemont, artiste cryptique s'il en est (l'internet ne fournit quasiment rien à son sujet). Rougemont nous offre une flambée de collages digne des surréalistes des années 50, à travers un univers visuel haut en couleurs, fantasmagorique, bizarre. Son bestiaire fait de rongeurs et de singes, d'écorchés d'anatomie, de paquets de viscères, taquine volontiers celui qui dit "ceci est mon corps, ceci est mon sang", et toute l'imagerie pieuse du siècle dernier.


L'ouvrage présente en pages centrales une série excellente de collages en noir & blanc, sur la base d'illustrations au trait, courantes aux débuts de l'imprimerie. Les collages figurent en grande partie les scènes d'un cabinet de curiosités, comme si foetus, limaces, cervelles, étaient la matière première d'un bestiaire monstrueux mi glaçant, mi hilarant.
A déguster sans modération. L'ouvrage est édité par les éditions d'art contemporain et Capharnaum. Il est disponible à la librairie Un regard moderne 10, rue Gît-le-Coeur - 75006.

2.9.07

Jordi Sabates - Ocells del més enllà


Allez vite sur le blog de Prog not Frog, vous pourrez y écouter le mésestimé claviériste espagnol Jordi Sabatès, qui a sorti dans les années 70 cet album de jazz fusion mâtiné de flamenco et de dérives progressives, dont quelques jolies compilations (URGE, Spanish grooves, Improvisto vol. I chez Vadim music) ont récemment promu le track le plus contagieux : Ocells del mès enllà part III ; track qui reste - à l'écoute de l'ensemble - LA tuerie à se frapper la tête contre les murs. C'est à ma connaissance la première fois que l'album entier est accessible via le net : les amateurs de prog/rock se délecteront sur toute la cuvée ; amateurs de grooves, vous avez le meilleur avec le part III.



Keyboardist/composer Jordi Sabates played on a lot of good Spanish albums during the 1970's. He composed and played keyboards (piano, Fender Rhodes, organ and Moog synths) on this album, that he is joined Toti Soler-flamenco guitar, Ricardo Sabates-electric guitar, Manolo Elias-electric and contrabass, Ivan Bargas-drums, Gustavo Quinteros-percussion and Erica Norimar-voice. This is an absolutely fantastic Spanish fusion/progressive disc. Follow the link.

1.9.07

Alex Scorier - Latin for dancers


La trajectoire d’Alex Scorier, soliste de formation swing, souffleur de grande tenue (saxophone ténor et soprano, trompette, flûte) alterne expériences en big band (Fred Bunge, BRT Big Band), travail en petite formation (avec Herman Sandy, Philip Catherine, Marc Moulin et son Placebo) performances de sideman (aux côtés de géants comme Bill Coleman, Buck Clayton, Don Byas), incursions funky (saxophone au sein des très sensuels Chakachas) et bien avant les années 70, il livre d'admirables versions un peu fake de mambo, latin et lounge (à la manière de Michel Magne avec Tropical Fantasy), à travers trois albums parus chez Polydor (Cha Cha Cha A Go Go, Sax In The Box et Latin For Dancers ), recherchés des collectionneurs, notamment le dernier, pour ses revisitations de standards tels que Perfidia, Havah Nagilah, Bubbles & Co, avec un morceau sublîme : Taboo. Pièce rare, donc, brought to you par Martian Shaker pour la rentrée :) Bonne écoute !



Alex SCORIER studied at the Brussels Royal Conservatory. He started his musical activity at age 18. In 1952 he formed his first big band with two American musicians - Sax player Jay CAMERON who was the soloist of the Woody HERMAN Orchestra and Slide HAMPTON and Jimmy GOURLEY (guitar). During 1954 to 1956 was member of the Fred BUNGE and Werner MULLER Orchestra in Germany as well as that of Fud CANDRIX. Back in Belgium, Alex SCORIER plays with famous American soloists, passing through the country, such as Buck CLAYTON, Taps MILLER, Bill COLEMAN, Clark TERRY, Steve LACY, Ernie WILKINS, Richard BOONE, Don BYAS. A jam session with Duke Ellington, at the Faun (Hambourg), in 1955 and with Slide Hampton.
From 1964 to 1991 he is a member of the BRT (Flemish radio & TV) big band under Francis BAY and Freddy SUNDER. He is a member of Marc MOULIN's "PLACEBO" from 1973 to 1975, with Richard ROUSSELET, Philip CATHERINE and others.
Latin For Dancers (Polydor) is a wicked album – half the tracks are average faux-latin fare (Patricia, Cherry Pink and Apple Blossom White,...) but don’t let that fool you because a handful of songs turn this into an essential album. Taboo is one but Scorier’s own compositions too are splendid. Ba Bi Baloo – Bi Balaa has brilliant worldless vocals and Meeting Point is a Killer with capital K.

28.6.07

Vitold de Golish – 15 ans d’aventures aux Indes


Autant le dire tout de suite, si vous ouvrez un de ses nombreux récits d’expédition aux Indes (le pluriel a une délicieuse saveur dixneuviémiste), vous n’y trouverez ni la profondeur d’analyse ethnographique d’un Marcel Mauss, ni le dessin magnifique d’un Delacroix, ni le talent et l’érudition d’un Morand pour transfiguer ses voyages extrêmes-orientaux en vastes fresques historiques.

C’est donc que l’attrait de Golish est ailleurs. Il y a d’abord l’homme : un aventurier-dilettante, vivant - à l’autre bout du monde - de l’incertaine générosité d’éditeurs français, comme lui amoureux de la beauté des temples et de l’architecture (et pour qui il reproduit des bas-reliefs, calque des fresques au cordeau, envoie des photos par paquets) : le job de base. Les subsides viennent à manquer ? Qu’à cela ne tienne, le voici à point nommé invité par quelque grand rajah, ailleurs embauché comme architecte urbain (histoire de se refaire) ; ou encore installé auprès de moines bouddhistes et vivant 6 mois durant à leur rythme.

Il y a ensuite le rythme : car ce type ne se prend pas pour un ethnologue, c’est juste l’arpenteur pressé d’une civilisation mythique. Le voilà donc qui repart, traverse l’Inde en train, tombe sur des rituels, se fait grand reporter d’un jour, prend l’avion pour rejoindre encore un Maharajah et le suivre dans ses fastueuses pérégrinations, mi-confident, mi-profiteur. Deux jours après il affronte les flèches de tribus sauvages ; trois chapitres plus loin, l’attaque d’éléphants, et ainsi s’ensuivent d’innénarrables aventures toutes plus pittoresques les unes que les autres et qui ont probablement fait palpiter l’imaginaire des lecteurs du Reader’s Digest dans les années 60. La narration aborde tous ces sujets avec simplicité, restituant l’étonnement, les craintes, l’émerveillement, et toujours cette extraodinaire diversité sociale et cultuelle de la civilisation indienne, expliquée avec une discrète érudition.

Au fond, c’est le naturel et l’infatigable vitalité aventureuse de Golish qui plaît, cette image d’un temps où un homme passionné, ayant pour seules ressources 3 sous et un paquet d’audace, pouvait encore en découdre avec l’exotisme. Un des derniers explorateurs, à la fois de notre temps (la technologie l’accompagne : appareils photo sophistiqués, véhicules en panne...), et d’un temps aujourd’hui révolu, car les chasses au tigre, les Rolls plaquées or et les cours princières ne se voient plus qu’à Bollywood. Alors rien ne lui plaît plus que de se poser quelque part, capter l’instant (la vie et les mœurs des communautés) ou la durée (les temples millénaires), brosser à gros traits un tableau local ; puis repartir, découvrir, encore plus loin, Srinagar, cette ville aux jardins flottants ; et encore plus loin cette peuplade isolée dont on dit qu’elle possède les plus beaux temples….

Cine Mad in Chaos - Coconutz in the Air


Le premier album du brésilien Guilherme Simonsen est un disque syncrétique et innovant, un collage stylé à l'image de la pochette ; ça lorgne du côté du jazz, de la lounge, du trip hop... avec tout du long un dub pêchu (un peu systématique à mon goût, mais qui donne son unité à l'album). L'assortiment de samples et d'instruments acoustiques crée une ambiance de musiques de film ("Memory"). D'étonnantes cordes classiques donnent une tonalité raffinée à "Before Mister Chang died" et à "Wushu". Des guitares slide ou électriques, des chants ethniques, des inserts, bruitages, voix saccadées, et le chant de Barbara Starling, trafiqué mais envoûtant ("Another room", "What a mess we made").
Le bonhomme est indéniablement talentueux, au dessus des fusions interstylistiques qu'il m'a été donné d'écouter. Coconutz in the Air est une des premières bonnes surprises de ce début d'été 2007.



Cine Mad in Chaos with the new album Coconutz in the Air proposes an Electronic fusion of analogical timbres with Break Beat/Trip Hop/Dub and unusual atmospheres, creating a singular and innovative style.Electronic Trip Hop/Dub project of which Guilherme Simonsen is both the producer and creator.
Audio producer since 1997, Guilherme started his experience producing Psy Trance. Soon, in 1999, he became one of the pioneering Brazilians in the live-act performance, playing his sound in Tranconso and Caraiva (Bahia), Alto Paraiso (Goias) parties in 1999/2000 and furthermore, in Sao Paulo.
The real transformation happened back in 2001, when Simonsen, trying to evolve his knowledge on electronic music, has moved to Australia, where he built up an independent studio. There the will for the total freedom of creation sprouted which brought the experimental music. He came back to Brazil in 2002, when he felt the need to create a more consistent project: emerges then Cine Mad in Chaos. CMC is considered one of the main Down Beat projects in Brazil.

Can mathematics and fractals explain the art of Jackson Pollock? Can it be used to authenticate paintings of uncertain provenance?


Tate Modern in London has re-furbished its collection with the UBS Openings, and it gave me the opportunity to rediscover an artist who died 50 years ago: Jackson Pollock. In particular, Summertime Number 9A, 1948 left me thinking for a good 10 minutes, as I could not take my eyes away from its sheer beauty. On the side of the painting I also discovered the following analysis, made by physicist Richard Taylor.

Jackson Pollock declared that he was ‘concerned with the rhythms of nature’. But if his swirls of paint represent nature, what sort of patterns would his paintings contain? During Pollock’s era scientists assumed that natural objects such as trees and clouds were devoid of any pattern. It wasn’t until the 70’s that they detected a subtle form of order within the natural world, called fractals. Fractals consist of patterns that recur at finer and finer magnifications. A small part of the structure looks very much like the whole. My own scientific analysis of Pollock’s drip paintings has shown that they also have this quality, as if he instinctively grasped the principles underlying the patterns of natural scenery. Pollock’s genius lay in his ability to paint such intricate fractal pattern so precisely and to do so 25 years ahead of their scientific discovery.

In fact, it appears that this analysis is part of a debate around the fractal nature of Pollock’s works. University of Oregon physicist Richard Taylor and collaborators claim that Jackson Pollock’s famous drip paintings, are fractals. In articles that appeared in scientific journals and news magazines including Nature, Physics World and Scientific American, Taylor and coworkers also claim that fractal analysis can be used to distinguish Pollock's drip paintings from imitations.
In 2006 Taylor was invited by the Pollock-Krasner Foundation to determine the authenticity of paintings found by Alex Matter, son of the late photographer Herbert Matter. According to Matter, a close personal friend of Pollock’s, the paintings are the work of Pollock, but Taylor used fractal analysis to pronounce them inauthentic.

Case Western Reserve University physicists address these questions in a recent issue of Nature. A key element of the paper is a painting called Untitled 5 that Jones-Smith, co-author of the article, created in a matter of minutes in Photoshop. Untitled 5 depicts a field of stars and looks like the kind of drawing the proud mother of a three-year old might stick on a refrigerator door, says Jones-Smith. But, according to the fractal authentication criteria that Taylor has made public, it is an authentic Pollock. Jones-Smith adds, "I found I can make paintings at will in Photoshop that meet all the criteria he has made public."

A defining feature of fractals is their self-similarity: they look the same if magnified. Sometimes the self-similarity is visible to the eye, as in the famous Koch snowflake, which is composed of a hierarchy of ever smaller equilateral triangles. More often the self-similarity is statistical and can be detected only by computer analysis using a technique called box-counting. In their Nature article, Jones-Smith and Mathur show that Pollock's works lack the range of scales needed to be considered fractal in the sense of box-counting analysis. This is because typically the smallest marks of paint are only a thousand times smaller than the entire canvas. The researchers show that considering Pollock's paintings to be fractal actually leads to mathematical contradictions and inconsistencies. "Not only does Taylor state Pollock's paintings are fractal," said Jones-Smith, "but he goes further and says such things as this is why Pollock is such a master - that he had mastered the language of nature."


31.5.07

Alan Lorber orchestra - The Lotus Palace


On a beaucoup glosé sur ce disque parmi les amateurs d'indo-jazz et d'exotica frottée aux sitars (Lord Sitar, Bill Plummer, Ananda Shankar). Les uns le portent aux nues, les autres lui font une place (plus juste selon moi) dans le peloton des curiosités d'easy-listening plutôt réussies, avec un album en définitive atypique, parce que partagé entre lounge mainstream et explorations plus libres.
Alan Lorber était un arrangeur d'importance marginale dans les années 60 ; il travaillait pour des artistes eux-mêmes de notoriété a priori mineure tels que Neil Sedaka, Connie Francis, Gene Pitney, Lesley Gore, ou Lenny Welch. En 1967, il crée le Alan Lorber Orchestra avec plusieurs bons musiciens de l'époque (son sitariste Collin walcott, notamment, avait appris à la source de Ravi Shankar, et officié aux côtés du jazzman Tony Scott dans ses excellentes compositions orientales). Objectif de ce combo de haut vol : réaliser un album pot-pourri de standards (dont un excellent Mais que nada) et autres titres easy, pop, rock. Il faut reconnaître que ces réinterprétations avec tablas, tambouras et sitars, font encore aujourd'hui leur petit effet d'exotica transcontinentale, voire expérimentale. On peut donc imaginer combien The Lotus Palace a pu paraître trendy à l'ère de la psychedelia soixante-huitarde, directement biberonnée aux influences indiennes...

Rip Access
1. Up, Up and Away
2. Where? (8) [Version 1]
3. Mas Que Nada
4. Echo of the Night
5. Lucy in the Sky With Diamonds
6. Look of Love
7. Flute Thing
8. Hang on to a Dream
9. Within You, Without You
10. Roopaka Dha Teri Dhin Dhin
11. Serpent & The Hawk
12. Hollow in the Wind
13. Where? (8)
14. Djellaba (The Hooded)
15. I Heard the Rain and...

Personnel: Jerome Richardson, Collin Walcott (sitar, tabla), Ernie Royal (trumpet), Alan Lorber (production/orchestration), Seymour Barab (cello), Gene Bianco (harp), Louis Haber (violin), George Marge (bassoon, oboe), Hugh McCracken (guitar, bass), Irving Spice (violin), Louis Stone (viola), Howard Hirsch (percussion), Donald Robertson (tamboura)

Alan Lorber, successful producer and leading arranger in the USA in the early 60s, explored cross-market orchestral fusions in the hits he made for the top artists of the time. The Lotus Palace was the springboard for the Eastern Indian/jazz fusion mix of classical Indian instrumentation, (the sitar, tamboura, tabla), against reverberating Western orchestration. Featured in the album, are sitarist Colin Walcott & jazz flutist Jerome Richardson. Hit cuts include "Mas Que Nada" a 15 year staple of Germany's Mojo Club's Dancefloor Jazz, and "Within You, Without You" most recently included in the Thievery Corporation Club compilations. Other current Alan Lorber orchestral albums include his new virtual 21st Century Orchestra series of his contempory works, his reissues of the 1966 Abbey Road recordings of Dylan & Peter Paul & Mary music, and unique spoken word works with musical accompaniment.

28.5.07

Le Loftcube est-il une fausse bonne idée ?

Le projet d'un architecte américain qui proposait de recycler en habitats domestiques d'immenses containers métalliques (ci-dessus) m'avait laissé sceptique.
Plus récemment je découvre le Loftcube, inventé par le studio allemand Aisslinger. Ce grand bungalow élégant (ci-dessous) possède un je-ne-sais-quoi de magique que le container n'avait pas. C'est qu'entre une vie dans les entrailles ferrugineuses d'un container design et une vue imprenable sur les toits de la ville, dans une sorte de maison MacIntosh, l'air des cîmes urbaines apparaît bien sûr plus attractif. Enfin au dessus des foules et du bruit, le calme d'une esplanade rien qu'à soi, tutoyer les grands monuments, tout ça est de nature à attirer le citadin en mal d'habitat original.




Le dispositif est même parfaitement packagé et sa faisabilité ne semble pas faire de doutes : un choix de façades multiples plus ou moins vitrées, un toit amovible, des matériaux composites formant un cube de 40 m2, permettant son transport en un seul bloc par hélicoptère (diantre ! ma maison comme dans un film de James Bond) sur le toit de ...euuh (au fait quel toit ? comment ?). C'est là que le bât blesse, que le principe de réalité commence à saper le beau fantasme du Baron perché.
Je me renseigne sur la mise en oeuvre pratique, cherche à savoir si certains ont déjà étrenné leur Loftcube à Marseille, Paris, Grenoble, si les gérances d'immeubles vous louent (vous vendent ?) 200 m2 pour poser votre cube sur leur toit. Comment se fait l'adduction des énergies ? Et pour les sanitaires, ça se passe comment ? Bref les bonnes questions prosaïques... Et là plus rien, aucune info sur l'opérationnalité effective au-delà du rêve ! Je commence à douter. Si bien que le projet s'avère au final d'autant plus déceptif qu'il offre, par les photographies, une illusion de faisabilité. En écumant les forums, je découvre ces quelques lignes meutrières d'un certain MasterLudo, casseur de rêve mais les pieds sur terre.

Ca doit coûter un max en charges (dernier étage), le panorama risque d'être pourri (antennes, cheminées, locaux techniques) dans les centre ville plutôt bureaux, vivre au dernier étage semble être idillyque pour la terasse (je cherchais une logia à un moment donné) mais finalement passé 4/5 étages le vent prends le dessus et rends la terasse quasi inutilisable la plupart de l'année (sauf veranda), les toits sont moches, en bitume ou autre, etc etc etc.
L'idée semble géniale, après dans les faits si le toit n'est pas prévu pour ça ce sera même galère à raccorder (eau, électricité, chauffage, etc).

22.5.07

Luigi Tenco



Dalida est actuellement à l'honneur avec une exposition à Paris qui retrace sa vie et sa carrière. Voilà que je songe à un de ses amants d'une autre époque : Luigi Tenco, que le malheur n'a pas épargné non plus. Encore une grande voix de la chanson, méconnue en France et glissant progressivement vers l'oubli.
Dans les années 60, Luigi Tenco, beau gosse, belle voix, frotté au jazz et au rythm'n blues, est une figure montante de la chanson passionnée. En 1962, sort son premier album, Luigi Tenco, contenant certaines de ses plus belles chansons : Mi sono innamorato di te ou Quando ; mais la plupart des titres seront censurés par la RAI, prétendument choquants, par leur façon d'aborder les relations amoureuses ou critiques envers la société. Pourtant les chansons de Tenco ne passent pas inaperçues et sont bien accueillies dans les milieux étudiants et par une certaine critique. Il apparaît comme un chanteur politisé, dérangeant, mais aussi à la sensibilité à fleur de peau. C'est en 1967 qu'il passe au walhalla des artistes mythiques, pour s'être suicidé après son échec au festival de San Remo, où il chantait en duo avec Dalida Ciao amore ciao. Le lendemain, le 27 janvier 1967, Dalida trouvera le corps de Luigi Tenco, qui a laissé une lettre expliquant les raisons de son suicide : un acte de protestation, l'impression de ne pas avoir été compris du public italien.
20 ans après c'est en furetant dans les bacs de disques que je tombe sur un ovni de Steven Brown (musicien de Tuxedo Moon). Ce dernier alors en voyage en Italie demandait à des amis qu'ils lui fassent découvrir un auteur compositeur local marquant. On lui fait écouter Luigi Tenco. C'est une révélation pour Steven Brown, qui s'incarne aussitôt en dandy d'un autre temps, se glisse dans le personnage, apprend les paroles de ses chansons et lui rend un bel hommage avec un mini-album de reprises (actuellement réédité en CD).

Quant à l'extrait ci-dessus, - statique et daté, où l'on voit Tenco, entouré de groupies attentives, chanter d'un air profondément habité, - il peut sembler too much et fera sourire certains d'entre vous ; mais le bonhomme était sincère et entier dans son art. Respect à son âme.
En écoute quelques unes des chansons de Luigi Tenco : Un giorno dopo l'altro ; Ciao, Amore, ciao ; et le plus swinguant Se sapessi come fai.

Tenco made his debut in the world of Italian professional music with the band I cavalieri ("The Knights"), which included Giampiero Reverberi and Enzo Jannacci amongst others. During this period he used the pseudonym Gigi Mai. In 1961 Tenco released his first single, under his real name, entitled Quando ("When").

Tenco's first LP was released in 1962, Ballate e canzoni. One of the songs, "Cara maestra" ("Dear Teacher"), was censored by the then thriving Italian media censorship. The censors struck again in the following year, against his songs "Io sì" ("I Do") and "Una brava ragazza" ("A Nice Girl").
In 1966, suffering through a period of compulsory military service, he released Un giorno dopo l'altro ("A Day After Another") for RCA. In Rome during the same year, he met and befriended the Italo-French singer Dalida. The two were eventually to become lovers.
In 1967 he took part in the Italian Song Festival in Sanremo. It was rumoured that he participated against his will. The song he presented was "Ciao Amore Ciao" ("Hello Love, Hello"), which he sang together with Dalida. Tenco allegedly committed suicide on January 27, after learning that his song had been eliminated from the final competition. Tenco was found in his hotel room with a bullet wound in his left temple and a note announcing that his gesture was against the jury and public's choices during the competition. Only days earlier Tenco's wedding to Dalida had been announced. It was she who discovered his body.

François Muir - Monsieur Rutil


François Muir est un auteur belge, né en 1955, dont l'univers narratif est vraiment extraordinaire. Il a pour moi la véhémence d'un Calaferte, tiraillé entre André Breton et le marquis de Sade. Je crois que là, ça pose bien le style.

Monsieur Rutil, vigile de son état, exerce en silence une surveillance clinique du monde ; mais en pensée, il est démiurge de la parole, d'un flux intérieur des mots, portés au rouge, expulsés dans un mélange troublant de souvenirs, d'obsessions, de visions surréelles.
Monsieur Rutil est un roman sur le multiple. Le narrateur se dédouble au féminin ; qui sont ces deux mystérieuses voisines portant son nom et avec lesquelles il entretient un rapport non moins mystérieux ? Il se multiplie, traverse les âges, les peuples, les métiers, dérivant entre les voix qui se pressent dans sa conscience comme autant de courants dans un rapide.
Aussi le rythme du récit est-il torrentiel, tout entier traversé par ces courants : courant cosmique, générateur de l'univers, courant de la semence, générateur des hommes, courant du sang, générateur de la folie meurtrière ; enfin le courant suprême, celui du Verbe, car Monsieur Rutil est vigile, il exerce une surveillance sans relâche du Verbe.

François Muir, Monsieur Rutil, Ledrappier, 1987, 144 pp. accessible ici.

19.5.07

Tetsu Inoué - World Receiver


Un petit extrait d'un texte de Yves blanc, le chroniqueur- explorateur de musiques rares de l'émission radio "La planète bleue".
"Tetsu Inoue est un chercheur, un sculpteur audio, un inventeur d'avenir. Génie méconnu de l'ambient nipponne, collaborateur de Bill Laswell, Atom Heart, Pete Namlook et Haruomi Hosono, il a réalisé une trentaine de CD solo et son nom orne une myriade d'albums electronica ou expérimentaux. En Indonésie, il étudie la musique traditionnelle de transe. En Inde, il pratique la méditation et le yoga. Au Japon, il compose pour des chorégraphes contemporains. A San Francisco, il se passionne pour l'architecture. Entre son et musique, Tetsu Inoue compose exclusivement au computer. Ses perspectives contemplatives sont truffées de gargouillis numériques et d'échantillons glanés lors de voyages autour du monde, au confluent de l'expérimental et du mélodieux."

Après Luke Slater, restons encore un peu dans les années 90, où la techno s'apaise et se ressource en afters inspirés des musiques électro-planantes, répétitives ou minimales des années 60/70. Et là il y a un arbre qui cache la forêt. Pour faire court, on va dire que c'est The Orb qui raffle la mise de la chill-out music, en mélangeant les disques d'Ash Ra Tempel, de Klaus Schulze et assaisonnant le tout de basses dub et de sons environnementaux : recette d'apparence grossière mais nouvelle et accrocheuse, copiée par des myriades de suiveurs et de compiles moins inspirés, d'où - entre autres - une dévitalisation rapide de la tendance. Or il y a des dizaines d'artistes qui s'inscrivent dans une discrète vague de fond - bien avant et après le reflux de la déferlante chill-out : Eno bien sûr et ceux de sa génération (Jon Hassel, Harold Budd), et les plus jeunes (Pete Namlook, Steve Roach, Robert Rich, Biosphere, Mixmaster Morris, Adam Shaikh...). Tetsu Inoué est de ceux-là.
Avec World Receiver, édité en 1996, il a choisi d'éviter la grande fresque soporifique pour rester en orbite terrestre, captif d'une enveloppe invisible de communications satellitaires ; ou aux commandes d'un syntoniseur de tuner glissant sous l'arrosage diffus des grandes ondes radio. Il ramène dans ses nasses des coquillages aux sonorités étranges : bribes de voix qui retournent au néant, clapotis, insectes, filaments de fêtes foraines, marécages pleins de coassements véspéraux. Ces échantillons rapportés de ses voyages sont clairsemés en arrière-plan, derrière un substrat de particules sonores échappées dans la stratosphère (modulations électroniques codées, transmissions, avec leur cortège d'échos et de parasites) jusqu'à former un réseau de purs signifiants électro-acoustiques.
Le lien copié ici est chez Fauni Gena (http://faunigena.blogspot.com) : blogrotte aux trésors pour tous les amateurs d'ambient (on dit Merci !).

"Where to begin? World Receiver is quite possibly the one seminal disc that defines what ambient music is. It is the modern version (although recorded in 1996) of Brian Eno's On Land. In the middle of 1996, Inoue put together a recording combining atmospheric ambient and soundscapes evoking distant lands, faraway places. Nothing though particularly new to the followers of Inoue's work or in the field of ambient at that time. What separated World Receiver from Inoue's history and from the rest of the pack, was the seamless blending of environmental recordings literally from all over the world. The resulting collage was extremely detailed and precise without suffering from the weight of hundreds of hours of work and editing. It is a subtle texture from Inoue acting as a filter to what is intended to be receptions of signals from across the globe through one 'world receiver' radio. This is the audio document of the memory of paths travelled, sights observed, voices heard - arbitrarily collected and purposefully assembled to a magnificent end. Originally issued by Instinct records in 1996, World Receiver has been out of print for many years. It is held in the highest regard by fans of ambient and Inoue worldwide.
The rip is linked here thanks to Fauni Gena.

17.5.07

Luke Slater - My yellow wise rug


Ce DJ multiforme a commencé à creuser un sillon intéressant il y a plus de 10 ans, d'abord au sein du label anglais GPR, avec The Four Cornered Room et ce second album en 1994 sous le nom de Luke Slater 7th plain. Il était parmi les premiers à labourer et baigner de nappes mélodiques les terres de ce que l'on allait bientôt appeler l'electronica - aux côtés des Beaumont Hannant, Bola, Aphex Twin, Black Dog, pour ne citer que quelques uns des plus brillants d'entre eux. Les crûs actuels de Slater, fortement technoïsés, n'ont rien à voir avec ce travail d'orfèvrerie électronique, cette multiplicité de sons organiques, créant des échos et des réverbérations qui laissent apparaître un espace intérieur mystérieux. Des percussions discrètes soutiennent des textures mélodiques souvent simples mais efficaces, rappelant certains thèmes kraftwerkiens. Elles donnent cette couleur de fond éthérée et quelque peu mélancolique. Doup par exemple est une des réussites de ce disque : un motif répétitif basique, très grave auquel se rajoute un semis de fines percussions et un très curieux halètement mi-humain, mi animal. Luke Slater avait trouvé là un nouvel espace mental, où l'on peut percevoir, comme sur le stéréogramme de la pochette, au-delà du premier plan, la profondeur d'une dimension où flottent des objets électroniques non identifiés, planant en harmonie pure.

En rip : 3 titres / 3 excerpts : Doup, Hectic Bag, The boys toy drum.

Long lost classic luke slater album from 1995 finally reissued by gpr. it might be hard to believe, but before he was one of the world's top producers of electro-tinged techno, often clocking in at tempos over 130 bpm, luke slater produced several albums of strictly home listening-approved ambient techno. the year was 1995 and acid-fried gurus such as mix master morris and dr. alex patterson were searching beyond the 4/4 rush of the rave to a higher, if sometimes sillier, spiritual side of electronic music. On slater's second album, recorded under the name 7th plain, he mines darker territory than the true ambient maestros. Although his tempos, when they are present, are relaxed and congenial, 'think city' broods slowly while 'doup' opens up into a funky break for the middle two of it's seven minutes. Only 'hectic bag' even hints at slater's forthcoming transition into hard techno maverick, with a cavernous kick that plays out a tribal rhythm from deep below.

14.5.07

Georges Hugnet - Collages





Saluons l'arrivée de Losfeld dans les blogs de Martian Shaker, avec un premier texte sur un prince du collage surréaliste.

Georges Hugnet (1906-1974) est de ces poètes qui opèrent dans les recoins que l’on aime à découvrir, des années ou des siècles plus tard. Recoins de la littérature, de la dramaturgie, de la critique et des arts graphiques. Il n’acquerra jamais la notoriété des plus grands malgré une œuvre riche et intrigante. Son théâtre d’amour et de rêve se joue loin des feux de la rampe, avec lesquels il allume sa cigarette, qui ne finira de se consumer que lorsque les livres et les curieux auront disparu.
Repéré par André Breton pour son approche du mouvement Dada, il intègre le groupe surréaliste en 1932 et, comme la plupart des membres de ce foisonnement hétéroclite d’allumés et de génies, il subira une exclusion et de nombreuses brouilles avec le fondateur.
Peu importe aujourd’hui les querelles d’alors, son travail témoigne d’une liberté d’esprit qui se moque des étiquettes, des modes et des classifications. Seul un grand souffle de liberté l’anime et l’amène aux confins de l’étrange beauté des carrefours. Dans son œuvre graphique en effet se mêlent de multiples éléments qui feront de lui l’un des maîtres incontestés du collage et du montage poétique, aux côtés de Max Ernst et de quelques autres. Comme le souligne Timothy Baum, les collages d’Hugnet se subdivisent en trois catégories : « les images sans mots », dont les motifs sont puisés dans une multitude de sources allant du magazine à l’almanach ; les œuvres associant mots et images, formant ainsi des poèmes-collages d’une force évocatrice sans limites ; enfin, des associations de collages et de « décalcomanies à la gouache », technique découverte par Oscar Dominguez en 1934.
Ainsi se déploie l’éventail imaginaire d’Hugnet, faisant surgir des femmes nues enchaînées dans une brume lugubre, surprenant des prêtres lorgnant en douce de jolies jeunes femmes, ou nous laissant observer le spectacle d’une fin d’orgie lesbienne en plein cœur d’une forêt.
Les éditions originales de ces petits univers bizarres sont aujourd’hui des pièces de collection rêvées pour tout amateur de merveilleux surréaliste. La plus connue d’entre elles est probablement La septième face du dé, avec une couverture de Marcel Duchamp.
Louons les éditions Léo Scheer pour avoir fait paraître en 2003 un sublime ouvrage richement illustré des collages de cet insoumis aux mille images, accessible ici.
Losfeld



Georges Hugnet, French poet, collage artist and critic, was born in Paris in 1906. He spent most of his early childhood in Buenos Aires, Argentina, and in 1913 returned to Paris Hugnet’s early rebelliousness eventually developed into a combative, stubborn nature causing quarrels with publishers, other artists, poets, friends, and family throughout his life.
Hugnet was a man of many talents and dabbled in a variety of artistic pursuits including poetry, editing, publishing, translating, film and play writing, acting, rare book collecting, and book binding design until his death in 1974.
Influential friends and mentors played an important role in Hugnet’s career. In 1920, he developed a friendship with his downstairs neighbor Marcel Jouhandeau. Jouhandeau influenced the young poet Hugnet and introduced Hugnet to his hero Max Jacob. During this time, Hugnet was also befriended by a number of other influential artists of the early 20th century, namely Joan Miró, Marcel Duchamp, Pablo Picasso, Tristan Tzara, Man Ray, and Jean Cocteau. With financial backing from his father, a furniture manufacturer, Hugnet established the publishing company Les Editions de la Montagne with the intent of publishing his own works and the work of his close friends including Tristan Tzara, Pierre de Massot, and Gertrude Stein.

In the 1930s Hugnet became involved with the Surrealist movement. André Breton, the self-declared "Pope" of the Surrealist movement, became interested in Hugnet after reading an article titled "Spirit of Dada in Painting" that Hugnet had written. When a mutual friend of both men, Tristan Tzara, introduced them, Hugnet became one of the Surrealists. He continued contributing to the Surrealist movement until 1939 when Breton "excommunicated" Hugnet for his failure to cease his friendship with former surrealist Paul Éluard.

9.5.07

Sandale vs Tong


En découvrant le vestige intact d'une sandale dans un numéro d'Archeologia (image de gauche - époque du Kerma ancien ; env. 2450-2050 av. J.C.), j'ai été frappé par la permanence de cette forme multimillénaire. Car la sandale existait déjà du temps de l'antiquité égyptienne. Confectionnée en cuir, en paille tressée, en lanières de feuilles de palmier ou de papyrus, en joncs ou en roseaux des marécages, en or pour les notables et les pharaons, elle reste un objet de luxe. Les sépultures en ont livré de nombreux exemplaires.
Comme en Egypte, la sandale est la chaussure la plus courante dans la Grèce antique. Portée par les hommes et par les femmes, la sandale grecque se compose d’une semelle de cuir ou de liège, pouvant varier en épaisseur, différente pour le pied droit et le pied gauche. Des courroies la maintiennent au pied. Simples au début, elles deviennent d’une élégante complication par la suite (spartiate, etc.).

Et pourtant, cinq millénaires après la sandale égyptienne et ses mutiples avatars, c'est la forme la plus simple que l'on retrouve aujourd'hui dans la sandale la plus répandue, celle de l'espèce dite tong ; un design qui n'a pas changé d'un iota : une semelle découpée à la forme du pied, une courroie à deux brides piquée à l'avant entre le gros et le second orteil, à l'arrière sur les côtés. A bien y réfléchir, rien d'étonnant. L'anatomie et la fonction dictent leur loi sur la forme ; et la forme parfaite a été trouvée très tôt, c'est donc cette intelligence de la simplicité qui me fascine. Sandale de l'Egypte ancienne et tong brésilienne moderne, même combat, ou presque, car les usages eux ont changé : lorsque Pharaon pénètre dans le temple, ou quand ses sujets célèbrent le culte des défunts dans les chapelles funéraires, ils laissent leurs sandales à la porte du sanctuaire. Lorsque les baigneurs du monde entier s'apprêtent à entrer dans la mer, ils laissent leurs tongs dans le sable de la plage. On est juste passé du grave au léger, du culte des morts à la culture des loisirs.

5.5.07

The Surfmen - The sounds of Exotic Island


Cette pochette, faisant surgir très kitschement - sur fond de fougères sauvages - une hawaïenne dénudée d'une orchidée en guise de jupe tentaculaire, est une des plus ravissantes du style exotica. Sans être un joyau du genre, le contenu auditif est à la hauteur : belle richesse instrumentale, comme chez Martin Denny ou Arthur Lyman ; qualité des arrangements qui frappe rapidement l'oreille grâce à un combo réunissant du beau monde : Paul Horn, Jimmy Rowles, Alvino Rey, Milt Holland (qui a commis par ailleurs avec Roy Harte le savoureux Percussion Unabrigged ) et le célèbre percussionniste Emil Richards dont on a déjà parlé dans Martian Shaker.

Rip access ici :

This is music with the hypnotic enchantment of a jungle paradise filled with both the romantic and the forbidden. From the delicate eroticism of the "Orchid Pool," the calling surf of "Moonlight In Paradise," to the terror of the volcanic sacrifice in "Fire Goddess"; this is music of a unique and spicy flavor. This is the lure and the spell of Exotic Island.
The arrangements in this album were scored by two very capable musical beachcombers — Joe Kuhn and Bob Louden. The Surfmen include such top west coast musicians as Paul Horn, Roland Bundock, Jimmy Rowles, Al Hendrickson, Alvino Rey, Jack Sperling, Sam Weiss, J. Castonza [sic], Milt Holland, Gene Estes, Ann Stockton, Emil Richards.
Special percussion instruments used were: Tahitian log, Chinese wind glass, Guatemalan gourd, coconut shells, lava stones, bamboo rods from Hawaii, bamboo puppet shakers from Hong Kong, and Congo drums from Tanganyika, Africa. Tropical bird calls, surf and jungle sounds are authentic recordings of same.

1.5.07

Art Brut #6 - Martin Ramirez






"On ne sait presque rien de la vie de Martin Ramirez. La plupart des informations le concernant proviennent des notes du Dr Tarmo Pasto, qui l’a découvert dans les années quarante. Né au Mexique, en 1895, il émigre aux Etats-Unis dans l’espoir de trouver un emploi. Il est ouvrier dans une compagnie de construction de voies de chemin de fer, un emploi harassant qu’il supporte mal. Son physique et son état psychique se détériorent rapidement. Il sombre progressivement dans la folie et à partir de 1915 s’enferme dans un mutisme complet. Commence alors pour lui une vie d’errance qui durera près de quinze ans. En 1930, il est interné pour schizophrénie.
Martin Ramirez commence à dessiner dans les années cinquante sur des papiers récupérés, des morceaux qu’il recolle à l’aide de mie de pain ou de pomme de terre écrasée.
Son œuvre est bouleversante, exceptionnelle, et on la placera aux côtés des plus grands auteurs d’art brut, et des grands artistes de ce siècle. Une œuvre à la fois narrative et abstraite, qui séquestre les stéréotypes (le bandito mexicain, la madone, les animaux des forêts, le train, etc.) dans des entrelacs architecturaux. Les figures se font icônes, rêves impossibles, espoirs asphyxiés, liberté illusoire. La contrainte est totale, le cauchemar répétitif, comme ces lignes en écho qui confèrent aux dessins des rythmes envoûtants, hypnotiques. Elles scellent une trajectoire, un circuit concentrationnaire duquel on ne s’échappe pas. L’œuvre de Ramirez est la plus saisissante quand elle imprime cette idée paradoxale de mouvement et d’enfermement, condamnation à toujours répéter le même, sans espoir de l’autrement : train fantôme qui n’en finit jamais de tourner. Vertige de la répétition, mouvement cinétique, projection de spirales sans fin, fuite éperdue dans un tunnel.
Images gravées qui donnent peut-être la mesure des journées harassantes de celui qui parcourt sans fin et sans arrêt les mêmes carreaux, les mêmes lignes du couloir.
Mais tel un lapin échappé du chapeau, le cavalier semble parfois échapper aux miradors. Les lignes s’inversent alors pour bâtir une pyramide, plate-forme d’envol vers l’illusoire " happy end " d’un western hollywoodien, affiches qui ont dû bercer les rêves de Martin Ramirez avant qu’il ne franchisse l’enfer du Rio Grande. Aujourd’hui, il reste environ trois cents dessins : le trésor de Martin Ramirez," décédé en 1963 en Californie.
extrait de http://www.abcd-artbrut.org

Remembering that it was a group of artists and psychiatrists who established the field of Outsider Art, we owe much to both for recognizing the visionary genius of Martín Ramírez. After twenty years of hospitalization, Ramírez began to secretly make drawings and collages on sheets of scavenged paper he glued together with starchy foods and spit. In 1954 he presented a group of these to Sacramento State College visiting psychology professor Dr. Tarmo Pasto, who, sensing they were exceptional, put them safely away in storage. Years later, Chicago artist Jim Nutt, teaching at the college in the late 1960s, found the works, and spearheaded the first exhibition of Ramirez' work, leading to its representation by Phyllis Kind Gallery, and attention from the greater art world.

Born in the Los Altos region of Jalisco, Mexico, Ramirez lived there until he was about 30. Scenes, memories, and dreams from that culture seemingly confront the viewer. Los Altos is ranchland and it is no surprise that horses and their trappings are shown in such detail. Hunting was a survival activity; the area was thick with deer and other game animals. Mexican folk Catholicism permeates this art, from apocalyptic imagery to allegories of animal Madonna and child.

The art of Martín Ramírez is monumental. Ranging in size from a few inches to nine feet in height, the effect of his drawings on the viewer is enormous. Drawn in by the proscenium he has set up, one is mesmerized by the lines, colors, and characters he has assembled there. A master fabulist, his stories include images of the natural world of landscapes and animals, cities, roads, men on horseback, cars, trucks, ships, the Virgin, highly imaginative variations of trains and tunnels, and sometimes letters and words in his native Spanish.

Reposting 3 - Repostage 3

Retrouvez de nouveau le LP de la divine Aura Urziceanu et la frappe funky d'Armando Peraza (aka Mano de Piombo) - répertoriés respectivement dans les catégories Jazz et latin jazz ci-contre.


I've reposted Aura Urziceanu's album Seara de Jazz and Peraza's Wild Thing, the only album ever cut by conga player Armando Peraza, with Cal Tjader on vibes.
Follow the Jazz (A. Urziceanu) and the Latin Jazz (A. Peraza) category links.

Jim Flora - Pochettes de disques / Covers & Artwork








Je ne me lasse jamais d'admirer les pochettes de disques de Jim Flora. C'est probablement dans son genre le meilleur illustrateur des sixties ; celui qui réunit à la perfection le sens de la couleur et de l'à-plat, le cocasse cubiste, la déconstruction des corps, et le mouvement sautillant des premiers cartoons. Ses illustrations ressemblent à des instantanés d'un dessin animé merveilleux. On est à deux coups de crayon des Aristochats dans leur sarabande de jazz, ce jazz qui devient chez Flora un jeu d'enfants ; ça trompette et ça cabriole, ça swingue au fond des petits toms (Gene Krupa), et ça donne ce chef d'oeuvre de la pochette lounge : Mambo for cats. Mais derrière ce style naïf et ludique, il y a aussi une face piquante et plus sombre, qui s'exprimait davantage dans ses travaux personnels, comme on peut le voir dans le dessin ci-dessus, couverture d'un ouvrage d'Irwin Chusid. De fait Jim Flora faisait volontiers du macabre sa tasse de cruauté.

Jim Flora se destinait à la fin de l'adolescence à une carrière d'architecte et il gagna en 1933 une bourse d'études la Boston Architectural League. Mais en pleine Dépression, il ne trouva rien d'autre pour subsister qu'un job de factotum dans un restaurant qui l'assommait de travail 7 jours sur 7 ... et incapable de trouver le temps de se consacrer à ses études, la bourse fut versée à un autre.
Mais le gars est du genre persévérant... écoutez-ça : un an après il avait économisé de quoi entrer à l'Académie des Arts de Cincinnati, où il obtint son diplôme en 1939, et débuta son activité d'illustrateur. C'est sa passion pour le jazz qui l'incita à adresser à Pat Dolan (alors directeur de la publicité chez Columbia) des ébauches de dessins pour leur réédition de disques de jazz. Dolan apprécia tellement ses travaux qu'il l'embaucha en 1942 pour prendre en charge l'édition des pochettes et Flora devient directeur artistique en 1943, embauchant lui-même de nouveaux talents de l'illustration, tels que Robert Jones, Jim amos et Sydney Butchkes. Lorsque la Columbia promut Flora directeur de la publicité, puis directeur des ventes, postes qui le rapprochèrent rapidement du profit mais l'éloignèrent aussi vite de la création, la situation ne lui convenait plus. Il quitta le label en 1950 et emmena sa famille dans un périple au Mexique, jusqu'à Taxco, où il s'installa pour se consacrer à la peinture.
Il était à l'époque un des premiers admirateurs d'artistes mexicains, tels que Diego Rivera (l'amant de Frida Kahlo), Orozoco, Siquerios et Taymayo. L'influence de ces artistes, combinée à celle du surréalisme et du dessin animé naissant, fut au coeur de ce qui devait devenir son style. De retour chez lui à Rowayton, dans le Connecticut, il travailla en tant que freelance, auprès de Leo Leonni, pour illustrer les pages du magazine Fortune. Il donna durant cette période, entre 1954 et 1956, notamment pour RCA Victor, plusieurs de ses plus belles pochettes de disques ; avant que le style Flora ne passe de mode pour l'illustration musicale et qu'il ne recycle son art espiègle pour des livres d'illustration destinés aux enfants.


James (Jim) Flora is best-known for his wild jazz and classical album covers for Columbia Records (late 1940s) and RCA Victor (1950s). He authored and illustrated 17 popular children's books and flourished for decades as a magazine illustrator. Few realize, however, that Flora was also a prolific fine artist with a devilish sense of humor and a flair for juxtaposing playfulness, absurdity and violence. Cute — and deadly.

Flora's album covers pulsed with angular hepcats bearing funnel-tapered noses and shark-fin chins who fingered cockeyed pianos and honked lollipop-hued horns. Yet this childlike exuberance was subverted by a tinge of the diabolic. Flora wreaked havoc with the laws of physics, conjuring flying musicians, levitating instruments, and wobbly dimensional perspectives.

Taking liberties with human anatomy, he drew bonded bodies and misshapen heads, while inking ghoulish skin tints and grafting mutant appendages. He was not averse to pigmenting jazz legends Benny Goodman and Gene Krupa like bedspread patterns. On some Flora figures, three legs and five arms were standard equipment, with spare eyeballs optional. His rarely seen fine artworks reflect the same comic yet disturbing qualities. "He was a monster," said artist and Floraphile JD King. So were many of his creations.

29.4.07

Flacon - XIXème siècle



L'histoire n'a pas attendu le piézo-eléctrique et l'ère digitale pour miniaturiser plusieurs fonctions techniques dans des objets portatifs. Qu'on en juge d'après ce flacon-montre-boîte à musique (ancêtre répétitif du mp3, on va dire) et bijou. Il a été fabriqué au milieu du XIXème siècle ; il est en or émaillé décoré de perles fines. La délicatesse de sa manufacture (il mesure 6,5 cm de haut) et sa beauté l'emportent haut la main sur sur les appareils de l'industrie contemporaine. A quand le mobile incrusté dans une marqueterie de sycomore, dans un galet de verre ; à quand une flasque-mp3, une montre à gousset-USB décorée...

23.4.07

Bana canta a magia de Cabo Verde


La rencontre d'un artiste avec ses publics à l'international est le lieu d'une alchimie mystérieuse. Allez savoir pourquoi l'italien Paolo Conte a fait un tabac en France et se trouve un peu boudé dans son propre pays ; pourquoi le capverdien Bana qui promène ses chansons depuis 50 ans au Sénégal et au Portugal, qui a mis le pied à l'étrier de Cesaria Evora, reste méconnu en France alors que la mamie régale l'Europe de sa saudade insulaire et poignante. Il est vrai aussi que Bana a eu tendance à circonscrire sa carrière au Portugal ; producteur madré, il n'a pas forcément été le généreux mécène des chanteurs capverdiens que laissent croire quelques bios politiquement correctes ; enfin le temps passe, de nouvelles voix du Cap-Vert apparaissent, qui font certainement de plus belles 1ère de couv. Pensez-donc, Bana contre Lura ou Mayra Andrade, y a pas photo !
J'ai découvert Bana dans un documentaire sur Arte il y a quelques années, par l'entremise de l'écrivain italien Antonio Tabucchi (traducteur de Pessoa et grand amoureux de culture lusophone), descendu dans un restaurant de Lisbonne pour nous faire apprécier une interprétation masculine de morna capverdienne. Là, devant un parterre de tables défaites, la sueur perlant au front, drapé dans une grande robe blanche, la main chiffonnant un mouchoir, on eût dit qu'Oum Khaltoum s'était soudain incarnée dans ce géant noir. C'était Bana, une voix d'or, pleine d'une indicible émotion, un jeu scénique d'une grande expressivité.
Par la suite j'ai acheté cet album, qui alterne deux styles parmi les genres majeurs des musiques capverdiennes : la morna (style mélancolique et lent, appelé pour cela slow au Sénégal), et la coladeira (style plus enjoué). Pour être franc, Bana canta a magia de Cabo Verde ne restitue pas l'émotion du live auquel j'ai assisté à l'écran ; néanmoins il comporte dans ses coladeira des échos de cha cha et merengue, qui ont traversé ces îles dans les années 50 et en infusent lointainement la tonalité ou les rythmes.

22.4.07

Albert Sanchez Pinol - La peau froide


La quatrième de couverture annonce un succès éditorial en Espagne, un prix (Ojo Critica de Narrativa) en 2003, et une traduction en vingt langues. Généralement, ces références ne me suffisent pas pour me jeter aveuglément dans une lecture, et parler d'un ouvrage d'une telle notoriété constitue une nouvelle entorse au principe de Martian Shaker. Mais il se trouve que ce roman est fantastique, au sens du compliment et du genre littéraire. Ces deux qualités réunies méritent un traitement d'exception. D'autre part ce récit d'Albert Sanchez Pinol est excellement traduit par Marianne Millon, ce qui ne gâche rien au plaisir de la découverte du texte : on y trouve l'intensité des contes d'horreur lovecraftiens mêlée à la qualité d'écriture des Stevenson et autres grands auteurs de récits d'exploration et d'aventures d'une époque révolue. Celle de La peau froide est située à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème, période d'activisme des Irlandais en quête de leur indépendance ; période où le narrateur, profondément écoeuré des luttes sanglantes auxquelles il a participé jusqu'au péril de sa vie, décide de s'installer pour une année - en tant que climatologue - dans cette île perdue de l'Atlantique sud. Là il découvre à ses dépens et dès la première nuit que l'îlot est envahi chaque soir (variation autour du thème du vampire) par des dizaines de créatures marines anthropomorphes qui assaillent sa fragile habitation. Pour seule compagnie humaine, un mystérieux voisin, gardien de phare, doté d'un grand corps de phoque entièrement poilu et subtilement dénommé Battis Caffo (bathyscaphe : comme si sa nature entière était d'être "submergé" chaque nuit par le flot de ces assauts monstrueux). Il devient son frère d'armes, "par la seule force de la mitraille, tant l'extravagante culture humaniste de l'un (le narrateur) le dispute au pragmatisme obtus de l'autre." Mais une sirène aux yeux d'opale, servant de domestique et d'exutoire sexuel, ébranle leur fraternité belliqueuse. Ce ne serait qu'un excellent récit fantastique si les choses en restaient là, et si la formation d'anthropologue de Sanchez Pinol, contaminant le discours du narrateur, ne venait jeter un doute sur le caractère monstrueux de cette horde sauvage. Avec un art consommé du suspense, Sanchez Pinol y dissèque la peur de l'autre, la violence de nos instincts, l'engrenage absurde et cruel de la guerre. Je vous laisse découvrir la suite, car La Peau Froide est un roman dont le flamboyant imaginaire gothique vous saisit à la gorge dès les premières lignes.

Albert Sanchez Pinol, La peau froide, Actes Sud Babel, 2006, 259 pp., accessible ici

In this grim, H.G. Wellsian fable, an unnamed European of unspecified nationality is hired to spend an unspecified mid-20th-century year logging wind conditions on a tiny Antarctic island. Anticipating solitude, the bookish young man soon discovers that he has a neighbor—the pathologically reclusive Gruner—and that each night, the island is overrun by humanoid killer amphibians. He and brutish Gruner—who has tamed a "toad" of his own—join forces, killing monsters by night and fornicating with Gruner's pet by day. Inspired by the creature's ability to laugh and cry—to say nothing of her perky breasts, knack for housework and wordless submissiveness—the narrator begins to think of the cold-blooded creatures as human. When he tries to befriend them and their children, his efforts pacify the humanoids, but not Gruner; the hopeful idyll ends when the older man launches a last suicidal effort to exterminate the "monsters." Gruner's death plunges our hero into a rut of battle, drunkenness and bestiality so complete that when his replacement arrives, he has become as feral as Gruner was before him. Sentence by elegant sentence, Piñol's first novel offers a tightly crafted allegory of human brutality both fascinating and repellent.

Albert Sanchez Pinol, Cold Skin, Farrar, Straus and Giroux, 2005, 192 pp., available here

11.4.07

Stefan Zechowski






En évoquant les nombreux artistes inspirés par Pierre Molinier ou proches dans une recherche de perfection érotique, il y a de ça quelques posts, je ne citais personne. Or j'ai par ailleurs reçu en cadeau un ouvrage sur l'érotisme dans l'art polonais. Je tombe sur les dessins de Stefan Zechowski ; alors, je ne sais pas pour vous mais moi, j'y trouve de subtiles correspondances avec Molinier. Quelque chose dans le jeu de crayon, selon la technique du clair-obscur, qui rappelle la mise en lumière du nu dans la peinture de Molinier ; ou encore l'exaltation du corps féminin tous membres épanouis, mais ça s'arrête là. Car l'érotisme de Zechowski, romantique et un brin naïf, ne chasse pas sur les mêmes terres (extrêmes) que Molinier ; comme le faisait en son temps Carlo Mollino (voir la catégorie photographie), ou aujourd'hui des photographes tels que Gilles Berquet et plus lointainement Joel Peter Witkin. En extrait un court texte de l'ouvrage en question (cliquer pour agrandir), rédigé par Andrzej Banach, au sujet de cet artiste polonais, né en 1912 et mort en 1984.


8.4.07

Clark Terry & Chico O'Farrill - Spanish Rice


Jolie pièce que cet album réunissant deux monstres sympathiques des sixties : à ma gauche Chico O'Farrill, arrangeur et chef (d'orchestre) notoire parmi les bigs bands de latin jazz ; à ma droite le sémillant trompettiste Clark Terry, très en forme, accompagné par une section de cuivres (bugles et trompettes) et qui dans ses solos hisse les morceaux de cet album d'une aimable tonalité easy mambo à un latin jazz de belle tenue.
La pièce maîtresse étant l'éponyme Spanish Rice, groove immédiatement catchy, porté par un dialogue pépère et humoristique sur la recette du riz à l'espagnole. Leur interprétation de Tin Tin Deo n'est pas mal non plus ; car aux percussions cubaines, il y a le maître en personne, Chano Pozo et ça s'entend.
S'il est vrai (comme le signale la recension anglo-saxonne ci-dessous) que cela ne fait pas pour autant de ce LP un chaînon indispensable aux yeux des spécialistes, je persiste à dire qu'il y a là une session d'une exubérance contagieuse, un titre à faire démarrer les dancefloors poussifs, avec cette idée géniale de faire parler les musiciens, comme on n'en entend rarement dans le cubop et le latin jazz. Ce qui est déjà remarquable.

En partage la face B :
1. Spanish Rice
2. Say Si Si
3. Macarena
4. Tin Tin Deo
5. Contigo En La Distancia
5. Happiness Is


Clark Terry Trumpet, Flugelhorn
Chico O'Farrill Arranger, Conductor
Joe Newman Trumpet, Flugelhorn
Ernie Royal Trumpet, Flugelhorn
Snooky Young Trumpet, Flugelhorn
Everett Barksdale Guitar
Barry Galbraith Guitar
George Duvivier Bass
Julio Cruz Percussion
Frank Malabe Percussion

Spanish Rice has all the ingredients for a successful Latin music session: clattering percussionists, a couple of guitars, peppy horns - there's even a recipe for Spanish rice included for the curious. And one can assume that Chico O'Farrill, who almost single handedly pioneered the use of Latin music in a big band context, is certainly up to the task of establishing a Latin groove with a depth of expression and artistry not present in similar music from the era. But what really edges this recording into compelling avenues is the presence of Clark Terry, who applies the right amount of sizzle or sultriness to his soloing as the moment calls for.
Songs like "The Peanut Vendor" and "Macarena" (no, not that one) deliver on the enthusiasm and exuberance promised from the cover, creating an addictive groove that percolates through the entire album. However, although filled with swagger and joyful exuberance, if there's one major drawback, it's that the material can seem too insubstantial at times. "Spanish Rice" for example features a humorous exchange between O'Farrill and Terry, and a doctored "Happiness Is" pokes fun lyrically at several important jazz figures; both are amusing, but neither all that satisfying in the long run.
Despite the few misfires, Terry and O'Farrill serve up a rather tasty assortment of Latin melodies and exotic rhythms. Sure, they weren't the most successful commercially at this type of Latin instrumental music, but which is the heartier meal: whipped cream (and other delights) or Spanish rice ?

7.4.07

Ferdinand Erhart - Boucle de ceinture

Vers 1890, argent, long. 13,8 cm.

A l'heure où tout le monde s'extasie sur les oeuvres de René Lalique (admirables au demeurant) je propose de découvrir une pièce du moins connu Ferdinand Erhart. D'un réalisme étonnant, cette boucle de ceinture semble assez éloignée des orfèvreries enluminées de l'Art nouveau ; plus austère, d'inspiration gothique, par le motif et les jeux de gris argenté, elle n'aurait pas déparé à la ceinture de Dracula ou du père de Batman.