31.5.07

Alan Lorber orchestra - The Lotus Palace


On a beaucoup glosé sur ce disque parmi les amateurs d'indo-jazz et d'exotica frottée aux sitars (Lord Sitar, Bill Plummer, Ananda Shankar). Les uns le portent aux nues, les autres lui font une place (plus juste selon moi) dans le peloton des curiosités d'easy-listening plutôt réussies, avec un album en définitive atypique, parce que partagé entre lounge mainstream et explorations plus libres.
Alan Lorber était un arrangeur d'importance marginale dans les années 60 ; il travaillait pour des artistes eux-mêmes de notoriété a priori mineure tels que Neil Sedaka, Connie Francis, Gene Pitney, Lesley Gore, ou Lenny Welch. En 1967, il crée le Alan Lorber Orchestra avec plusieurs bons musiciens de l'époque (son sitariste Collin walcott, notamment, avait appris à la source de Ravi Shankar, et officié aux côtés du jazzman Tony Scott dans ses excellentes compositions orientales). Objectif de ce combo de haut vol : réaliser un album pot-pourri de standards (dont un excellent Mais que nada) et autres titres easy, pop, rock. Il faut reconnaître que ces réinterprétations avec tablas, tambouras et sitars, font encore aujourd'hui leur petit effet d'exotica transcontinentale, voire expérimentale. On peut donc imaginer combien The Lotus Palace a pu paraître trendy à l'ère de la psychedelia soixante-huitarde, directement biberonnée aux influences indiennes...

Rip Access
1. Up, Up and Away
2. Where? (8) [Version 1]
3. Mas Que Nada
4. Echo of the Night
5. Lucy in the Sky With Diamonds
6. Look of Love
7. Flute Thing
8. Hang on to a Dream
9. Within You, Without You
10. Roopaka Dha Teri Dhin Dhin
11. Serpent & The Hawk
12. Hollow in the Wind
13. Where? (8)
14. Djellaba (The Hooded)
15. I Heard the Rain and...

Personnel: Jerome Richardson, Collin Walcott (sitar, tabla), Ernie Royal (trumpet), Alan Lorber (production/orchestration), Seymour Barab (cello), Gene Bianco (harp), Louis Haber (violin), George Marge (bassoon, oboe), Hugh McCracken (guitar, bass), Irving Spice (violin), Louis Stone (viola), Howard Hirsch (percussion), Donald Robertson (tamboura)

Alan Lorber, successful producer and leading arranger in the USA in the early 60s, explored cross-market orchestral fusions in the hits he made for the top artists of the time. The Lotus Palace was the springboard for the Eastern Indian/jazz fusion mix of classical Indian instrumentation, (the sitar, tamboura, tabla), against reverberating Western orchestration. Featured in the album, are sitarist Colin Walcott & jazz flutist Jerome Richardson. Hit cuts include "Mas Que Nada" a 15 year staple of Germany's Mojo Club's Dancefloor Jazz, and "Within You, Without You" most recently included in the Thievery Corporation Club compilations. Other current Alan Lorber orchestral albums include his new virtual 21st Century Orchestra series of his contempory works, his reissues of the 1966 Abbey Road recordings of Dylan & Peter Paul & Mary music, and unique spoken word works with musical accompaniment.

28.5.07

Le Loftcube est-il une fausse bonne idée ?

Le projet d'un architecte américain qui proposait de recycler en habitats domestiques d'immenses containers métalliques (ci-dessus) m'avait laissé sceptique.
Plus récemment je découvre le Loftcube, inventé par le studio allemand Aisslinger. Ce grand bungalow élégant (ci-dessous) possède un je-ne-sais-quoi de magique que le container n'avait pas. C'est qu'entre une vie dans les entrailles ferrugineuses d'un container design et une vue imprenable sur les toits de la ville, dans une sorte de maison MacIntosh, l'air des cîmes urbaines apparaît bien sûr plus attractif. Enfin au dessus des foules et du bruit, le calme d'une esplanade rien qu'à soi, tutoyer les grands monuments, tout ça est de nature à attirer le citadin en mal d'habitat original.




Le dispositif est même parfaitement packagé et sa faisabilité ne semble pas faire de doutes : un choix de façades multiples plus ou moins vitrées, un toit amovible, des matériaux composites formant un cube de 40 m2, permettant son transport en un seul bloc par hélicoptère (diantre ! ma maison comme dans un film de James Bond) sur le toit de ...euuh (au fait quel toit ? comment ?). C'est là que le bât blesse, que le principe de réalité commence à saper le beau fantasme du Baron perché.
Je me renseigne sur la mise en oeuvre pratique, cherche à savoir si certains ont déjà étrenné leur Loftcube à Marseille, Paris, Grenoble, si les gérances d'immeubles vous louent (vous vendent ?) 200 m2 pour poser votre cube sur leur toit. Comment se fait l'adduction des énergies ? Et pour les sanitaires, ça se passe comment ? Bref les bonnes questions prosaïques... Et là plus rien, aucune info sur l'opérationnalité effective au-delà du rêve ! Je commence à douter. Si bien que le projet s'avère au final d'autant plus déceptif qu'il offre, par les photographies, une illusion de faisabilité. En écumant les forums, je découvre ces quelques lignes meutrières d'un certain MasterLudo, casseur de rêve mais les pieds sur terre.

Ca doit coûter un max en charges (dernier étage), le panorama risque d'être pourri (antennes, cheminées, locaux techniques) dans les centre ville plutôt bureaux, vivre au dernier étage semble être idillyque pour la terasse (je cherchais une logia à un moment donné) mais finalement passé 4/5 étages le vent prends le dessus et rends la terasse quasi inutilisable la plupart de l'année (sauf veranda), les toits sont moches, en bitume ou autre, etc etc etc.
L'idée semble géniale, après dans les faits si le toit n'est pas prévu pour ça ce sera même galère à raccorder (eau, électricité, chauffage, etc).

22.5.07

Luigi Tenco



Dalida est actuellement à l'honneur avec une exposition à Paris qui retrace sa vie et sa carrière. Voilà que je songe à un de ses amants d'une autre époque : Luigi Tenco, que le malheur n'a pas épargné non plus. Encore une grande voix de la chanson, méconnue en France et glissant progressivement vers l'oubli.
Dans les années 60, Luigi Tenco, beau gosse, belle voix, frotté au jazz et au rythm'n blues, est une figure montante de la chanson passionnée. En 1962, sort son premier album, Luigi Tenco, contenant certaines de ses plus belles chansons : Mi sono innamorato di te ou Quando ; mais la plupart des titres seront censurés par la RAI, prétendument choquants, par leur façon d'aborder les relations amoureuses ou critiques envers la société. Pourtant les chansons de Tenco ne passent pas inaperçues et sont bien accueillies dans les milieux étudiants et par une certaine critique. Il apparaît comme un chanteur politisé, dérangeant, mais aussi à la sensibilité à fleur de peau. C'est en 1967 qu'il passe au walhalla des artistes mythiques, pour s'être suicidé après son échec au festival de San Remo, où il chantait en duo avec Dalida Ciao amore ciao. Le lendemain, le 27 janvier 1967, Dalida trouvera le corps de Luigi Tenco, qui a laissé une lettre expliquant les raisons de son suicide : un acte de protestation, l'impression de ne pas avoir été compris du public italien.
20 ans après c'est en furetant dans les bacs de disques que je tombe sur un ovni de Steven Brown (musicien de Tuxedo Moon). Ce dernier alors en voyage en Italie demandait à des amis qu'ils lui fassent découvrir un auteur compositeur local marquant. On lui fait écouter Luigi Tenco. C'est une révélation pour Steven Brown, qui s'incarne aussitôt en dandy d'un autre temps, se glisse dans le personnage, apprend les paroles de ses chansons et lui rend un bel hommage avec un mini-album de reprises (actuellement réédité en CD).

Quant à l'extrait ci-dessus, - statique et daté, où l'on voit Tenco, entouré de groupies attentives, chanter d'un air profondément habité, - il peut sembler too much et fera sourire certains d'entre vous ; mais le bonhomme était sincère et entier dans son art. Respect à son âme.
En écoute quelques unes des chansons de Luigi Tenco : Un giorno dopo l'altro ; Ciao, Amore, ciao ; et le plus swinguant Se sapessi come fai.

Tenco made his debut in the world of Italian professional music with the band I cavalieri ("The Knights"), which included Giampiero Reverberi and Enzo Jannacci amongst others. During this period he used the pseudonym Gigi Mai. In 1961 Tenco released his first single, under his real name, entitled Quando ("When").

Tenco's first LP was released in 1962, Ballate e canzoni. One of the songs, "Cara maestra" ("Dear Teacher"), was censored by the then thriving Italian media censorship. The censors struck again in the following year, against his songs "Io sì" ("I Do") and "Una brava ragazza" ("A Nice Girl").
In 1966, suffering through a period of compulsory military service, he released Un giorno dopo l'altro ("A Day After Another") for RCA. In Rome during the same year, he met and befriended the Italo-French singer Dalida. The two were eventually to become lovers.
In 1967 he took part in the Italian Song Festival in Sanremo. It was rumoured that he participated against his will. The song he presented was "Ciao Amore Ciao" ("Hello Love, Hello"), which he sang together with Dalida. Tenco allegedly committed suicide on January 27, after learning that his song had been eliminated from the final competition. Tenco was found in his hotel room with a bullet wound in his left temple and a note announcing that his gesture was against the jury and public's choices during the competition. Only days earlier Tenco's wedding to Dalida had been announced. It was she who discovered his body.

François Muir - Monsieur Rutil


François Muir est un auteur belge, né en 1955, dont l'univers narratif est vraiment extraordinaire. Il a pour moi la véhémence d'un Calaferte, tiraillé entre André Breton et le marquis de Sade. Je crois que là, ça pose bien le style.

Monsieur Rutil, vigile de son état, exerce en silence une surveillance clinique du monde ; mais en pensée, il est démiurge de la parole, d'un flux intérieur des mots, portés au rouge, expulsés dans un mélange troublant de souvenirs, d'obsessions, de visions surréelles.
Monsieur Rutil est un roman sur le multiple. Le narrateur se dédouble au féminin ; qui sont ces deux mystérieuses voisines portant son nom et avec lesquelles il entretient un rapport non moins mystérieux ? Il se multiplie, traverse les âges, les peuples, les métiers, dérivant entre les voix qui se pressent dans sa conscience comme autant de courants dans un rapide.
Aussi le rythme du récit est-il torrentiel, tout entier traversé par ces courants : courant cosmique, générateur de l'univers, courant de la semence, générateur des hommes, courant du sang, générateur de la folie meurtrière ; enfin le courant suprême, celui du Verbe, car Monsieur Rutil est vigile, il exerce une surveillance sans relâche du Verbe.

François Muir, Monsieur Rutil, Ledrappier, 1987, 144 pp. accessible ici.

19.5.07

Tetsu Inoué - World Receiver


Un petit extrait d'un texte de Yves blanc, le chroniqueur- explorateur de musiques rares de l'émission radio "La planète bleue".
"Tetsu Inoue est un chercheur, un sculpteur audio, un inventeur d'avenir. Génie méconnu de l'ambient nipponne, collaborateur de Bill Laswell, Atom Heart, Pete Namlook et Haruomi Hosono, il a réalisé une trentaine de CD solo et son nom orne une myriade d'albums electronica ou expérimentaux. En Indonésie, il étudie la musique traditionnelle de transe. En Inde, il pratique la méditation et le yoga. Au Japon, il compose pour des chorégraphes contemporains. A San Francisco, il se passionne pour l'architecture. Entre son et musique, Tetsu Inoue compose exclusivement au computer. Ses perspectives contemplatives sont truffées de gargouillis numériques et d'échantillons glanés lors de voyages autour du monde, au confluent de l'expérimental et du mélodieux."

Après Luke Slater, restons encore un peu dans les années 90, où la techno s'apaise et se ressource en afters inspirés des musiques électro-planantes, répétitives ou minimales des années 60/70. Et là il y a un arbre qui cache la forêt. Pour faire court, on va dire que c'est The Orb qui raffle la mise de la chill-out music, en mélangeant les disques d'Ash Ra Tempel, de Klaus Schulze et assaisonnant le tout de basses dub et de sons environnementaux : recette d'apparence grossière mais nouvelle et accrocheuse, copiée par des myriades de suiveurs et de compiles moins inspirés, d'où - entre autres - une dévitalisation rapide de la tendance. Or il y a des dizaines d'artistes qui s'inscrivent dans une discrète vague de fond - bien avant et après le reflux de la déferlante chill-out : Eno bien sûr et ceux de sa génération (Jon Hassel, Harold Budd), et les plus jeunes (Pete Namlook, Steve Roach, Robert Rich, Biosphere, Mixmaster Morris, Adam Shaikh...). Tetsu Inoué est de ceux-là.
Avec World Receiver, édité en 1996, il a choisi d'éviter la grande fresque soporifique pour rester en orbite terrestre, captif d'une enveloppe invisible de communications satellitaires ; ou aux commandes d'un syntoniseur de tuner glissant sous l'arrosage diffus des grandes ondes radio. Il ramène dans ses nasses des coquillages aux sonorités étranges : bribes de voix qui retournent au néant, clapotis, insectes, filaments de fêtes foraines, marécages pleins de coassements véspéraux. Ces échantillons rapportés de ses voyages sont clairsemés en arrière-plan, derrière un substrat de particules sonores échappées dans la stratosphère (modulations électroniques codées, transmissions, avec leur cortège d'échos et de parasites) jusqu'à former un réseau de purs signifiants électro-acoustiques.
Le lien copié ici est chez Fauni Gena (http://faunigena.blogspot.com) : blogrotte aux trésors pour tous les amateurs d'ambient (on dit Merci !).

"Where to begin? World Receiver is quite possibly the one seminal disc that defines what ambient music is. It is the modern version (although recorded in 1996) of Brian Eno's On Land. In the middle of 1996, Inoue put together a recording combining atmospheric ambient and soundscapes evoking distant lands, faraway places. Nothing though particularly new to the followers of Inoue's work or in the field of ambient at that time. What separated World Receiver from Inoue's history and from the rest of the pack, was the seamless blending of environmental recordings literally from all over the world. The resulting collage was extremely detailed and precise without suffering from the weight of hundreds of hours of work and editing. It is a subtle texture from Inoue acting as a filter to what is intended to be receptions of signals from across the globe through one 'world receiver' radio. This is the audio document of the memory of paths travelled, sights observed, voices heard - arbitrarily collected and purposefully assembled to a magnificent end. Originally issued by Instinct records in 1996, World Receiver has been out of print for many years. It is held in the highest regard by fans of ambient and Inoue worldwide.
The rip is linked here thanks to Fauni Gena.

17.5.07

Luke Slater - My yellow wise rug


Ce DJ multiforme a commencé à creuser un sillon intéressant il y a plus de 10 ans, d'abord au sein du label anglais GPR, avec The Four Cornered Room et ce second album en 1994 sous le nom de Luke Slater 7th plain. Il était parmi les premiers à labourer et baigner de nappes mélodiques les terres de ce que l'on allait bientôt appeler l'electronica - aux côtés des Beaumont Hannant, Bola, Aphex Twin, Black Dog, pour ne citer que quelques uns des plus brillants d'entre eux. Les crûs actuels de Slater, fortement technoïsés, n'ont rien à voir avec ce travail d'orfèvrerie électronique, cette multiplicité de sons organiques, créant des échos et des réverbérations qui laissent apparaître un espace intérieur mystérieux. Des percussions discrètes soutiennent des textures mélodiques souvent simples mais efficaces, rappelant certains thèmes kraftwerkiens. Elles donnent cette couleur de fond éthérée et quelque peu mélancolique. Doup par exemple est une des réussites de ce disque : un motif répétitif basique, très grave auquel se rajoute un semis de fines percussions et un très curieux halètement mi-humain, mi animal. Luke Slater avait trouvé là un nouvel espace mental, où l'on peut percevoir, comme sur le stéréogramme de la pochette, au-delà du premier plan, la profondeur d'une dimension où flottent des objets électroniques non identifiés, planant en harmonie pure.

En rip : 3 titres / 3 excerpts : Doup, Hectic Bag, The boys toy drum.

Long lost classic luke slater album from 1995 finally reissued by gpr. it might be hard to believe, but before he was one of the world's top producers of electro-tinged techno, often clocking in at tempos over 130 bpm, luke slater produced several albums of strictly home listening-approved ambient techno. the year was 1995 and acid-fried gurus such as mix master morris and dr. alex patterson were searching beyond the 4/4 rush of the rave to a higher, if sometimes sillier, spiritual side of electronic music. On slater's second album, recorded under the name 7th plain, he mines darker territory than the true ambient maestros. Although his tempos, when they are present, are relaxed and congenial, 'think city' broods slowly while 'doup' opens up into a funky break for the middle two of it's seven minutes. Only 'hectic bag' even hints at slater's forthcoming transition into hard techno maverick, with a cavernous kick that plays out a tribal rhythm from deep below.

14.5.07

Georges Hugnet - Collages





Saluons l'arrivée de Losfeld dans les blogs de Martian Shaker, avec un premier texte sur un prince du collage surréaliste.

Georges Hugnet (1906-1974) est de ces poètes qui opèrent dans les recoins que l’on aime à découvrir, des années ou des siècles plus tard. Recoins de la littérature, de la dramaturgie, de la critique et des arts graphiques. Il n’acquerra jamais la notoriété des plus grands malgré une œuvre riche et intrigante. Son théâtre d’amour et de rêve se joue loin des feux de la rampe, avec lesquels il allume sa cigarette, qui ne finira de se consumer que lorsque les livres et les curieux auront disparu.
Repéré par André Breton pour son approche du mouvement Dada, il intègre le groupe surréaliste en 1932 et, comme la plupart des membres de ce foisonnement hétéroclite d’allumés et de génies, il subira une exclusion et de nombreuses brouilles avec le fondateur.
Peu importe aujourd’hui les querelles d’alors, son travail témoigne d’une liberté d’esprit qui se moque des étiquettes, des modes et des classifications. Seul un grand souffle de liberté l’anime et l’amène aux confins de l’étrange beauté des carrefours. Dans son œuvre graphique en effet se mêlent de multiples éléments qui feront de lui l’un des maîtres incontestés du collage et du montage poétique, aux côtés de Max Ernst et de quelques autres. Comme le souligne Timothy Baum, les collages d’Hugnet se subdivisent en trois catégories : « les images sans mots », dont les motifs sont puisés dans une multitude de sources allant du magazine à l’almanach ; les œuvres associant mots et images, formant ainsi des poèmes-collages d’une force évocatrice sans limites ; enfin, des associations de collages et de « décalcomanies à la gouache », technique découverte par Oscar Dominguez en 1934.
Ainsi se déploie l’éventail imaginaire d’Hugnet, faisant surgir des femmes nues enchaînées dans une brume lugubre, surprenant des prêtres lorgnant en douce de jolies jeunes femmes, ou nous laissant observer le spectacle d’une fin d’orgie lesbienne en plein cœur d’une forêt.
Les éditions originales de ces petits univers bizarres sont aujourd’hui des pièces de collection rêvées pour tout amateur de merveilleux surréaliste. La plus connue d’entre elles est probablement La septième face du dé, avec une couverture de Marcel Duchamp.
Louons les éditions Léo Scheer pour avoir fait paraître en 2003 un sublime ouvrage richement illustré des collages de cet insoumis aux mille images, accessible ici.
Losfeld



Georges Hugnet, French poet, collage artist and critic, was born in Paris in 1906. He spent most of his early childhood in Buenos Aires, Argentina, and in 1913 returned to Paris Hugnet’s early rebelliousness eventually developed into a combative, stubborn nature causing quarrels with publishers, other artists, poets, friends, and family throughout his life.
Hugnet was a man of many talents and dabbled in a variety of artistic pursuits including poetry, editing, publishing, translating, film and play writing, acting, rare book collecting, and book binding design until his death in 1974.
Influential friends and mentors played an important role in Hugnet’s career. In 1920, he developed a friendship with his downstairs neighbor Marcel Jouhandeau. Jouhandeau influenced the young poet Hugnet and introduced Hugnet to his hero Max Jacob. During this time, Hugnet was also befriended by a number of other influential artists of the early 20th century, namely Joan Miró, Marcel Duchamp, Pablo Picasso, Tristan Tzara, Man Ray, and Jean Cocteau. With financial backing from his father, a furniture manufacturer, Hugnet established the publishing company Les Editions de la Montagne with the intent of publishing his own works and the work of his close friends including Tristan Tzara, Pierre de Massot, and Gertrude Stein.

In the 1930s Hugnet became involved with the Surrealist movement. André Breton, the self-declared "Pope" of the Surrealist movement, became interested in Hugnet after reading an article titled "Spirit of Dada in Painting" that Hugnet had written. When a mutual friend of both men, Tristan Tzara, introduced them, Hugnet became one of the Surrealists. He continued contributing to the Surrealist movement until 1939 when Breton "excommunicated" Hugnet for his failure to cease his friendship with former surrealist Paul Éluard.

9.5.07

Sandale vs Tong


En découvrant le vestige intact d'une sandale dans un numéro d'Archeologia (image de gauche - époque du Kerma ancien ; env. 2450-2050 av. J.C.), j'ai été frappé par la permanence de cette forme multimillénaire. Car la sandale existait déjà du temps de l'antiquité égyptienne. Confectionnée en cuir, en paille tressée, en lanières de feuilles de palmier ou de papyrus, en joncs ou en roseaux des marécages, en or pour les notables et les pharaons, elle reste un objet de luxe. Les sépultures en ont livré de nombreux exemplaires.
Comme en Egypte, la sandale est la chaussure la plus courante dans la Grèce antique. Portée par les hommes et par les femmes, la sandale grecque se compose d’une semelle de cuir ou de liège, pouvant varier en épaisseur, différente pour le pied droit et le pied gauche. Des courroies la maintiennent au pied. Simples au début, elles deviennent d’une élégante complication par la suite (spartiate, etc.).

Et pourtant, cinq millénaires après la sandale égyptienne et ses mutiples avatars, c'est la forme la plus simple que l'on retrouve aujourd'hui dans la sandale la plus répandue, celle de l'espèce dite tong ; un design qui n'a pas changé d'un iota : une semelle découpée à la forme du pied, une courroie à deux brides piquée à l'avant entre le gros et le second orteil, à l'arrière sur les côtés. A bien y réfléchir, rien d'étonnant. L'anatomie et la fonction dictent leur loi sur la forme ; et la forme parfaite a été trouvée très tôt, c'est donc cette intelligence de la simplicité qui me fascine. Sandale de l'Egypte ancienne et tong brésilienne moderne, même combat, ou presque, car les usages eux ont changé : lorsque Pharaon pénètre dans le temple, ou quand ses sujets célèbrent le culte des défunts dans les chapelles funéraires, ils laissent leurs sandales à la porte du sanctuaire. Lorsque les baigneurs du monde entier s'apprêtent à entrer dans la mer, ils laissent leurs tongs dans le sable de la plage. On est juste passé du grave au léger, du culte des morts à la culture des loisirs.

5.5.07

The Surfmen - The sounds of Exotic Island


Cette pochette, faisant surgir très kitschement - sur fond de fougères sauvages - une hawaïenne dénudée d'une orchidée en guise de jupe tentaculaire, est une des plus ravissantes du style exotica. Sans être un joyau du genre, le contenu auditif est à la hauteur : belle richesse instrumentale, comme chez Martin Denny ou Arthur Lyman ; qualité des arrangements qui frappe rapidement l'oreille grâce à un combo réunissant du beau monde : Paul Horn, Jimmy Rowles, Alvino Rey, Milt Holland (qui a commis par ailleurs avec Roy Harte le savoureux Percussion Unabrigged ) et le célèbre percussionniste Emil Richards dont on a déjà parlé dans Martian Shaker.

Rip access ici :

This is music with the hypnotic enchantment of a jungle paradise filled with both the romantic and the forbidden. From the delicate eroticism of the "Orchid Pool," the calling surf of "Moonlight In Paradise," to the terror of the volcanic sacrifice in "Fire Goddess"; this is music of a unique and spicy flavor. This is the lure and the spell of Exotic Island.
The arrangements in this album were scored by two very capable musical beachcombers — Joe Kuhn and Bob Louden. The Surfmen include such top west coast musicians as Paul Horn, Roland Bundock, Jimmy Rowles, Al Hendrickson, Alvino Rey, Jack Sperling, Sam Weiss, J. Castonza [sic], Milt Holland, Gene Estes, Ann Stockton, Emil Richards.
Special percussion instruments used were: Tahitian log, Chinese wind glass, Guatemalan gourd, coconut shells, lava stones, bamboo rods from Hawaii, bamboo puppet shakers from Hong Kong, and Congo drums from Tanganyika, Africa. Tropical bird calls, surf and jungle sounds are authentic recordings of same.

1.5.07

Art Brut #6 - Martin Ramirez






"On ne sait presque rien de la vie de Martin Ramirez. La plupart des informations le concernant proviennent des notes du Dr Tarmo Pasto, qui l’a découvert dans les années quarante. Né au Mexique, en 1895, il émigre aux Etats-Unis dans l’espoir de trouver un emploi. Il est ouvrier dans une compagnie de construction de voies de chemin de fer, un emploi harassant qu’il supporte mal. Son physique et son état psychique se détériorent rapidement. Il sombre progressivement dans la folie et à partir de 1915 s’enferme dans un mutisme complet. Commence alors pour lui une vie d’errance qui durera près de quinze ans. En 1930, il est interné pour schizophrénie.
Martin Ramirez commence à dessiner dans les années cinquante sur des papiers récupérés, des morceaux qu’il recolle à l’aide de mie de pain ou de pomme de terre écrasée.
Son œuvre est bouleversante, exceptionnelle, et on la placera aux côtés des plus grands auteurs d’art brut, et des grands artistes de ce siècle. Une œuvre à la fois narrative et abstraite, qui séquestre les stéréotypes (le bandito mexicain, la madone, les animaux des forêts, le train, etc.) dans des entrelacs architecturaux. Les figures se font icônes, rêves impossibles, espoirs asphyxiés, liberté illusoire. La contrainte est totale, le cauchemar répétitif, comme ces lignes en écho qui confèrent aux dessins des rythmes envoûtants, hypnotiques. Elles scellent une trajectoire, un circuit concentrationnaire duquel on ne s’échappe pas. L’œuvre de Ramirez est la plus saisissante quand elle imprime cette idée paradoxale de mouvement et d’enfermement, condamnation à toujours répéter le même, sans espoir de l’autrement : train fantôme qui n’en finit jamais de tourner. Vertige de la répétition, mouvement cinétique, projection de spirales sans fin, fuite éperdue dans un tunnel.
Images gravées qui donnent peut-être la mesure des journées harassantes de celui qui parcourt sans fin et sans arrêt les mêmes carreaux, les mêmes lignes du couloir.
Mais tel un lapin échappé du chapeau, le cavalier semble parfois échapper aux miradors. Les lignes s’inversent alors pour bâtir une pyramide, plate-forme d’envol vers l’illusoire " happy end " d’un western hollywoodien, affiches qui ont dû bercer les rêves de Martin Ramirez avant qu’il ne franchisse l’enfer du Rio Grande. Aujourd’hui, il reste environ trois cents dessins : le trésor de Martin Ramirez," décédé en 1963 en Californie.
extrait de http://www.abcd-artbrut.org

Remembering that it was a group of artists and psychiatrists who established the field of Outsider Art, we owe much to both for recognizing the visionary genius of Martín Ramírez. After twenty years of hospitalization, Ramírez began to secretly make drawings and collages on sheets of scavenged paper he glued together with starchy foods and spit. In 1954 he presented a group of these to Sacramento State College visiting psychology professor Dr. Tarmo Pasto, who, sensing they were exceptional, put them safely away in storage. Years later, Chicago artist Jim Nutt, teaching at the college in the late 1960s, found the works, and spearheaded the first exhibition of Ramirez' work, leading to its representation by Phyllis Kind Gallery, and attention from the greater art world.

Born in the Los Altos region of Jalisco, Mexico, Ramirez lived there until he was about 30. Scenes, memories, and dreams from that culture seemingly confront the viewer. Los Altos is ranchland and it is no surprise that horses and their trappings are shown in such detail. Hunting was a survival activity; the area was thick with deer and other game animals. Mexican folk Catholicism permeates this art, from apocalyptic imagery to allegories of animal Madonna and child.

The art of Martín Ramírez is monumental. Ranging in size from a few inches to nine feet in height, the effect of his drawings on the viewer is enormous. Drawn in by the proscenium he has set up, one is mesmerized by the lines, colors, and characters he has assembled there. A master fabulist, his stories include images of the natural world of landscapes and animals, cities, roads, men on horseback, cars, trucks, ships, the Virgin, highly imaginative variations of trains and tunnels, and sometimes letters and words in his native Spanish.

Reposting 3 - Repostage 3

Retrouvez de nouveau le LP de la divine Aura Urziceanu et la frappe funky d'Armando Peraza (aka Mano de Piombo) - répertoriés respectivement dans les catégories Jazz et latin jazz ci-contre.


I've reposted Aura Urziceanu's album Seara de Jazz and Peraza's Wild Thing, the only album ever cut by conga player Armando Peraza, with Cal Tjader on vibes.
Follow the Jazz (A. Urziceanu) and the Latin Jazz (A. Peraza) category links.

Jim Flora - Pochettes de disques / Covers & Artwork








Je ne me lasse jamais d'admirer les pochettes de disques de Jim Flora. C'est probablement dans son genre le meilleur illustrateur des sixties ; celui qui réunit à la perfection le sens de la couleur et de l'à-plat, le cocasse cubiste, la déconstruction des corps, et le mouvement sautillant des premiers cartoons. Ses illustrations ressemblent à des instantanés d'un dessin animé merveilleux. On est à deux coups de crayon des Aristochats dans leur sarabande de jazz, ce jazz qui devient chez Flora un jeu d'enfants ; ça trompette et ça cabriole, ça swingue au fond des petits toms (Gene Krupa), et ça donne ce chef d'oeuvre de la pochette lounge : Mambo for cats. Mais derrière ce style naïf et ludique, il y a aussi une face piquante et plus sombre, qui s'exprimait davantage dans ses travaux personnels, comme on peut le voir dans le dessin ci-dessus, couverture d'un ouvrage d'Irwin Chusid. De fait Jim Flora faisait volontiers du macabre sa tasse de cruauté.

Jim Flora se destinait à la fin de l'adolescence à une carrière d'architecte et il gagna en 1933 une bourse d'études la Boston Architectural League. Mais en pleine Dépression, il ne trouva rien d'autre pour subsister qu'un job de factotum dans un restaurant qui l'assommait de travail 7 jours sur 7 ... et incapable de trouver le temps de se consacrer à ses études, la bourse fut versée à un autre.
Mais le gars est du genre persévérant... écoutez-ça : un an après il avait économisé de quoi entrer à l'Académie des Arts de Cincinnati, où il obtint son diplôme en 1939, et débuta son activité d'illustrateur. C'est sa passion pour le jazz qui l'incita à adresser à Pat Dolan (alors directeur de la publicité chez Columbia) des ébauches de dessins pour leur réédition de disques de jazz. Dolan apprécia tellement ses travaux qu'il l'embaucha en 1942 pour prendre en charge l'édition des pochettes et Flora devient directeur artistique en 1943, embauchant lui-même de nouveaux talents de l'illustration, tels que Robert Jones, Jim amos et Sydney Butchkes. Lorsque la Columbia promut Flora directeur de la publicité, puis directeur des ventes, postes qui le rapprochèrent rapidement du profit mais l'éloignèrent aussi vite de la création, la situation ne lui convenait plus. Il quitta le label en 1950 et emmena sa famille dans un périple au Mexique, jusqu'à Taxco, où il s'installa pour se consacrer à la peinture.
Il était à l'époque un des premiers admirateurs d'artistes mexicains, tels que Diego Rivera (l'amant de Frida Kahlo), Orozoco, Siquerios et Taymayo. L'influence de ces artistes, combinée à celle du surréalisme et du dessin animé naissant, fut au coeur de ce qui devait devenir son style. De retour chez lui à Rowayton, dans le Connecticut, il travailla en tant que freelance, auprès de Leo Leonni, pour illustrer les pages du magazine Fortune. Il donna durant cette période, entre 1954 et 1956, notamment pour RCA Victor, plusieurs de ses plus belles pochettes de disques ; avant que le style Flora ne passe de mode pour l'illustration musicale et qu'il ne recycle son art espiègle pour des livres d'illustration destinés aux enfants.


James (Jim) Flora is best-known for his wild jazz and classical album covers for Columbia Records (late 1940s) and RCA Victor (1950s). He authored and illustrated 17 popular children's books and flourished for decades as a magazine illustrator. Few realize, however, that Flora was also a prolific fine artist with a devilish sense of humor and a flair for juxtaposing playfulness, absurdity and violence. Cute — and deadly.

Flora's album covers pulsed with angular hepcats bearing funnel-tapered noses and shark-fin chins who fingered cockeyed pianos and honked lollipop-hued horns. Yet this childlike exuberance was subverted by a tinge of the diabolic. Flora wreaked havoc with the laws of physics, conjuring flying musicians, levitating instruments, and wobbly dimensional perspectives.

Taking liberties with human anatomy, he drew bonded bodies and misshapen heads, while inking ghoulish skin tints and grafting mutant appendages. He was not averse to pigmenting jazz legends Benny Goodman and Gene Krupa like bedspread patterns. On some Flora figures, three legs and five arms were standard equipment, with spare eyeballs optional. His rarely seen fine artworks reflect the same comic yet disturbing qualities. "He was a monster," said artist and Floraphile JD King. So were many of his creations.