29.4.07

Flacon - XIXème siècle



L'histoire n'a pas attendu le piézo-eléctrique et l'ère digitale pour miniaturiser plusieurs fonctions techniques dans des objets portatifs. Qu'on en juge d'après ce flacon-montre-boîte à musique (ancêtre répétitif du mp3, on va dire) et bijou. Il a été fabriqué au milieu du XIXème siècle ; il est en or émaillé décoré de perles fines. La délicatesse de sa manufacture (il mesure 6,5 cm de haut) et sa beauté l'emportent haut la main sur sur les appareils de l'industrie contemporaine. A quand le mobile incrusté dans une marqueterie de sycomore, dans un galet de verre ; à quand une flasque-mp3, une montre à gousset-USB décorée...

23.4.07

Bana canta a magia de Cabo Verde


La rencontre d'un artiste avec ses publics à l'international est le lieu d'une alchimie mystérieuse. Allez savoir pourquoi l'italien Paolo Conte a fait un tabac en France et se trouve un peu boudé dans son propre pays ; pourquoi le capverdien Bana qui promène ses chansons depuis 50 ans au Sénégal et au Portugal, qui a mis le pied à l'étrier de Cesaria Evora, reste méconnu en France alors que la mamie régale l'Europe de sa saudade insulaire et poignante. Il est vrai aussi que Bana a eu tendance à circonscrire sa carrière au Portugal ; producteur madré, il n'a pas forcément été le généreux mécène des chanteurs capverdiens que laissent croire quelques bios politiquement correctes ; enfin le temps passe, de nouvelles voix du Cap-Vert apparaissent, qui font certainement de plus belles 1ère de couv. Pensez-donc, Bana contre Lura ou Mayra Andrade, y a pas photo !
J'ai découvert Bana dans un documentaire sur Arte il y a quelques années, par l'entremise de l'écrivain italien Antonio Tabucchi (traducteur de Pessoa et grand amoureux de culture lusophone), descendu dans un restaurant de Lisbonne pour nous faire apprécier une interprétation masculine de morna capverdienne. Là, devant un parterre de tables défaites, la sueur perlant au front, drapé dans une grande robe blanche, la main chiffonnant un mouchoir, on eût dit qu'Oum Khaltoum s'était soudain incarnée dans ce géant noir. C'était Bana, une voix d'or, pleine d'une indicible émotion, un jeu scénique d'une grande expressivité.
Par la suite j'ai acheté cet album, qui alterne deux styles parmi les genres majeurs des musiques capverdiennes : la morna (style mélancolique et lent, appelé pour cela slow au Sénégal), et la coladeira (style plus enjoué). Pour être franc, Bana canta a magia de Cabo Verde ne restitue pas l'émotion du live auquel j'ai assisté à l'écran ; néanmoins il comporte dans ses coladeira des échos de cha cha et merengue, qui ont traversé ces îles dans les années 50 et en infusent lointainement la tonalité ou les rythmes.

22.4.07

Albert Sanchez Pinol - La peau froide


La quatrième de couverture annonce un succès éditorial en Espagne, un prix (Ojo Critica de Narrativa) en 2003, et une traduction en vingt langues. Généralement, ces références ne me suffisent pas pour me jeter aveuglément dans une lecture, et parler d'un ouvrage d'une telle notoriété constitue une nouvelle entorse au principe de Martian Shaker. Mais il se trouve que ce roman est fantastique, au sens du compliment et du genre littéraire. Ces deux qualités réunies méritent un traitement d'exception. D'autre part ce récit d'Albert Sanchez Pinol est excellement traduit par Marianne Millon, ce qui ne gâche rien au plaisir de la découverte du texte : on y trouve l'intensité des contes d'horreur lovecraftiens mêlée à la qualité d'écriture des Stevenson et autres grands auteurs de récits d'exploration et d'aventures d'une époque révolue. Celle de La peau froide est située à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème, période d'activisme des Irlandais en quête de leur indépendance ; période où le narrateur, profondément écoeuré des luttes sanglantes auxquelles il a participé jusqu'au péril de sa vie, décide de s'installer pour une année - en tant que climatologue - dans cette île perdue de l'Atlantique sud. Là il découvre à ses dépens et dès la première nuit que l'îlot est envahi chaque soir (variation autour du thème du vampire) par des dizaines de créatures marines anthropomorphes qui assaillent sa fragile habitation. Pour seule compagnie humaine, un mystérieux voisin, gardien de phare, doté d'un grand corps de phoque entièrement poilu et subtilement dénommé Battis Caffo (bathyscaphe : comme si sa nature entière était d'être "submergé" chaque nuit par le flot de ces assauts monstrueux). Il devient son frère d'armes, "par la seule force de la mitraille, tant l'extravagante culture humaniste de l'un (le narrateur) le dispute au pragmatisme obtus de l'autre." Mais une sirène aux yeux d'opale, servant de domestique et d'exutoire sexuel, ébranle leur fraternité belliqueuse. Ce ne serait qu'un excellent récit fantastique si les choses en restaient là, et si la formation d'anthropologue de Sanchez Pinol, contaminant le discours du narrateur, ne venait jeter un doute sur le caractère monstrueux de cette horde sauvage. Avec un art consommé du suspense, Sanchez Pinol y dissèque la peur de l'autre, la violence de nos instincts, l'engrenage absurde et cruel de la guerre. Je vous laisse découvrir la suite, car La Peau Froide est un roman dont le flamboyant imaginaire gothique vous saisit à la gorge dès les premières lignes.

Albert Sanchez Pinol, La peau froide, Actes Sud Babel, 2006, 259 pp., accessible ici

In this grim, H.G. Wellsian fable, an unnamed European of unspecified nationality is hired to spend an unspecified mid-20th-century year logging wind conditions on a tiny Antarctic island. Anticipating solitude, the bookish young man soon discovers that he has a neighbor—the pathologically reclusive Gruner—and that each night, the island is overrun by humanoid killer amphibians. He and brutish Gruner—who has tamed a "toad" of his own—join forces, killing monsters by night and fornicating with Gruner's pet by day. Inspired by the creature's ability to laugh and cry—to say nothing of her perky breasts, knack for housework and wordless submissiveness—the narrator begins to think of the cold-blooded creatures as human. When he tries to befriend them and their children, his efforts pacify the humanoids, but not Gruner; the hopeful idyll ends when the older man launches a last suicidal effort to exterminate the "monsters." Gruner's death plunges our hero into a rut of battle, drunkenness and bestiality so complete that when his replacement arrives, he has become as feral as Gruner was before him. Sentence by elegant sentence, Piñol's first novel offers a tightly crafted allegory of human brutality both fascinating and repellent.

Albert Sanchez Pinol, Cold Skin, Farrar, Straus and Giroux, 2005, 192 pp., available here

11.4.07

Stefan Zechowski






En évoquant les nombreux artistes inspirés par Pierre Molinier ou proches dans une recherche de perfection érotique, il y a de ça quelques posts, je ne citais personne. Or j'ai par ailleurs reçu en cadeau un ouvrage sur l'érotisme dans l'art polonais. Je tombe sur les dessins de Stefan Zechowski ; alors, je ne sais pas pour vous mais moi, j'y trouve de subtiles correspondances avec Molinier. Quelque chose dans le jeu de crayon, selon la technique du clair-obscur, qui rappelle la mise en lumière du nu dans la peinture de Molinier ; ou encore l'exaltation du corps féminin tous membres épanouis, mais ça s'arrête là. Car l'érotisme de Zechowski, romantique et un brin naïf, ne chasse pas sur les mêmes terres (extrêmes) que Molinier ; comme le faisait en son temps Carlo Mollino (voir la catégorie photographie), ou aujourd'hui des photographes tels que Gilles Berquet et plus lointainement Joel Peter Witkin. En extrait un court texte de l'ouvrage en question (cliquer pour agrandir), rédigé par Andrzej Banach, au sujet de cet artiste polonais, né en 1912 et mort en 1984.


8.4.07

Clark Terry & Chico O'Farrill - Spanish Rice


Jolie pièce que cet album réunissant deux monstres sympathiques des sixties : à ma gauche Chico O'Farrill, arrangeur et chef (d'orchestre) notoire parmi les bigs bands de latin jazz ; à ma droite le sémillant trompettiste Clark Terry, très en forme, accompagné par une section de cuivres (bugles et trompettes) et qui dans ses solos hisse les morceaux de cet album d'une aimable tonalité easy mambo à un latin jazz de belle tenue.
La pièce maîtresse étant l'éponyme Spanish Rice, groove immédiatement catchy, porté par un dialogue pépère et humoristique sur la recette du riz à l'espagnole. Leur interprétation de Tin Tin Deo n'est pas mal non plus ; car aux percussions cubaines, il y a le maître en personne, Chano Pozo et ça s'entend.
S'il est vrai (comme le signale la recension anglo-saxonne ci-dessous) que cela ne fait pas pour autant de ce LP un chaînon indispensable aux yeux des spécialistes, je persiste à dire qu'il y a là une session d'une exubérance contagieuse, un titre à faire démarrer les dancefloors poussifs, avec cette idée géniale de faire parler les musiciens, comme on n'en entend rarement dans le cubop et le latin jazz. Ce qui est déjà remarquable.

En partage la face B :
1. Spanish Rice
2. Say Si Si
3. Macarena
4. Tin Tin Deo
5. Contigo En La Distancia
5. Happiness Is


Clark Terry Trumpet, Flugelhorn
Chico O'Farrill Arranger, Conductor
Joe Newman Trumpet, Flugelhorn
Ernie Royal Trumpet, Flugelhorn
Snooky Young Trumpet, Flugelhorn
Everett Barksdale Guitar
Barry Galbraith Guitar
George Duvivier Bass
Julio Cruz Percussion
Frank Malabe Percussion

Spanish Rice has all the ingredients for a successful Latin music session: clattering percussionists, a couple of guitars, peppy horns - there's even a recipe for Spanish rice included for the curious. And one can assume that Chico O'Farrill, who almost single handedly pioneered the use of Latin music in a big band context, is certainly up to the task of establishing a Latin groove with a depth of expression and artistry not present in similar music from the era. But what really edges this recording into compelling avenues is the presence of Clark Terry, who applies the right amount of sizzle or sultriness to his soloing as the moment calls for.
Songs like "The Peanut Vendor" and "Macarena" (no, not that one) deliver on the enthusiasm and exuberance promised from the cover, creating an addictive groove that percolates through the entire album. However, although filled with swagger and joyful exuberance, if there's one major drawback, it's that the material can seem too insubstantial at times. "Spanish Rice" for example features a humorous exchange between O'Farrill and Terry, and a doctored "Happiness Is" pokes fun lyrically at several important jazz figures; both are amusing, but neither all that satisfying in the long run.
Despite the few misfires, Terry and O'Farrill serve up a rather tasty assortment of Latin melodies and exotic rhythms. Sure, they weren't the most successful commercially at this type of Latin instrumental music, but which is the heartier meal: whipped cream (and other delights) or Spanish rice ?

7.4.07

Ferdinand Erhart - Boucle de ceinture

Vers 1890, argent, long. 13,8 cm.

A l'heure où tout le monde s'extasie sur les oeuvres de René Lalique (admirables au demeurant) je propose de découvrir une pièce du moins connu Ferdinand Erhart. D'un réalisme étonnant, cette boucle de ceinture semble assez éloignée des orfèvreries enluminées de l'Art nouveau ; plus austère, d'inspiration gothique, par le motif et les jeux de gris argenté, elle n'aurait pas déparé à la ceinture de Dracula ou du père de Batman.