31.3.08

Tibet au coeur du Losar - Caroline Barraud





Un ami m'a offert il y a deux mois le beau livre de textes et de photos de Caroline Barraud. Son périple est un voyage de cinq semaines - effectué durant l'hiver 2002, avec un guide (Diki) et un chauffeur (Tumé), à travers les hauts plateaux tibétains. Quant au Losar, il s'agit du Nouvel an, fêté en "février" 2129 selon le calendrier lunaire tibétain. Je le feuillette à nouveau ce soir, à l'aune des persécutions qui continuent de dégrader la vie et la liberté du peuple tibétain. Mais le propos de Caroline Barraud est ailleurs. Sa relation de voyage reste centrée sur les rencontres humaines, à Lhasa, dans les villages, les chemins de montagne, sur la découverte des coutumes, des pratiques alimentaires, religieuses. Si bien que la lecture en est agréable, qui mêle la simplicité d'une description quasi ethnologique à des moments de forte empathie (les rencontres), de contemplation (la nature) et de pure poésie visuelle (les photos sont superbes). Et si le point de vue de Caroline Barraud a le mérite d'éviter de tomber dans le misérabilisme ou la victimisation, on peut se demander pourquoi son récit passe quasiment sous silence la souffrance culturelle et politique de cette société, une souffrance qui pourtant ne date pas d'hier. L'expérience de Caroline Barraud et le document qu'elle en rapporte n'en restent pas moins une initiative belle et courageuse, loin des clichés touristiques, qui nous fait vivre de plus près le quotidien des Tibétains.
Tibet au coeur du Losar, Caroline Barraud, Editions CBarraud, 256 pp.
Le livre a été édité à compte d'auteur, et une partie des revenus servira à aider les enfants d'une école de village. Vous pouvez joindre Caroline Barraud par mail à l'adresse : cbaraud@free.fr.

26.3.08

Tanadori Yokoo - Waterfall Rapture, Postcards of Falling Water





Yokoo Tanadori, né en 1936, s'est imposé au Japon dans les années 60 en inventant un style dit Cosmic pop, qui mêle l’art traditionnel des estampes à celui du Pop Art. Mais ce qui le rend particulièrement attachant n'est pas le portfolio de ses oeuvres graphiques ou publicitaires, c'est son côté cousin nippon de Martin Parr, soit cette pratique fascinante de collectionner les cartes postales. Chacun ses obsessions, Martin Parr a fait sa niche dans le kitsch seventies, Yokoo tripe sur les chutes d'eau du monde entier. Elles ont été rassemblées dans un grand livre publié en 1996, avec une poignée de photos mises en exergue pour leur étonnant symbolisme sexuel. Femmes fontaines, vulves de pierre, jaillissements écumeux, la nature de Tanadori Yokoo nous parle de sexe et d'effusions.


Tanadori Yokoo, "Waterfall Rapture, Postcards of Falling Water", My Addiction, My collection, My edition, Shinchosha company Publishers, 1996.

23.3.08

Calypso King & The Soul Investigators - Home Cooking


Avant d'accompagner Nicole Willis de leur rythm'n blues classieux (vogue des black divas en rivalité depuis quelques années, j'ai nommé Sharon Jones & the Dap Kings, Amy Winehouse...), les Soul Investigators brassaient un groove plus sauvage, poisseux de sexualité jamesbrownesque, au sein de "Calypso King & the Soul Investigators". Ce combo finlandais (qui a dit que ces gens était glaciaux ?), purement instrumental, est édité chez Soul Fire, le label de Phillipe Lehman, dédié aux revivalists d'un funk lo-fi, primal, à la croisée de Mickey & The Soul Generation et des Meters... Voici donc Home Cooking, création 2004, qui semble tout droit sorti des bacs de trouvailles rétro de Keb Darge. Bon d'accord, c'est un peu répétitif, moins bien arrangé que chez Nicole Willis, mais les amoureux des New Mastersounds, et du gros son funk en auront pour leurs oreilles. C'est chez Le Club de Rock.
En écoute Home Cooking part.2.

Calypso King & the Soul Investigators were the first band to issue a full-length album on Soul Fire, and like many of the groups in Lehman's orbit, their origins were unlikely: a Meters/J.B.'s/MG's-styled instrumental funk band from Helsinki, Finland. All the members played in other bands; guitarist Pete Toikkanen was in a garage rock group called the Paisley, while organist Antti Maattanen, bassist Sami Kantelinen, and drummer Jukka Sarapaa all played in Mood (aka Maor Presto). Forming in 1998, the group issued a couple of 45s before hooking up with Lehman; after a debut single on Soul Fire in 2000, "Compin' and Smokin'," they recorded their debut full-length, Soul Strike! which was released in 2001. The Soul Investigators subsequently recorded for their own Timmion label with a newly added horn section, featuring trumpeter Eero Savela, trombonist Erno Haukkala, and saxophonist Lasse Tolvanen.

22.3.08

Chemise pour empêcher l'onanisme


En 1914, Gaspar Bernat, résidant en Hongrie, dépose le brevet suivant, une chemise destinée à empêcher l'onanisme, et caractérisée par :
1°) Des manches cousues à la chemise sur une longeur convenable et couvrant les bras jusqu'au bout des doigts ;
2°) Des parties rigides prévues sur le devant de la chemise et allant de la région de la poitrine jusqu'aux jambes, de manière à toujours dépasser les rotules ;
3°) La combinaison sur la chemise sur la chemise des manches cousues en 1° et des parties rigides prévues en 2°.

La ressemblance avec une camisole de force est édifiante. Folie, masturbation, même combat d'une morale de la constriction contre les épanchements.

In "Brevets d'invention tout à fait insolites",Tchou, 1968, 145 pp.

20.3.08

Richard Bone - Coxa


Joli album passé inaperçu dans la production (un peu trop) pléthorique de ce musicien américain. Richard Bone, né en 1952, a commencé par réaliser de nombreuses bandes son dans le domaine du théâtre expérimental. Il crée son propre label, Quirkworks en 1991, afin de pouvoir donner plus librement forme aux paysages sonores (souvent des planances électroniques) qui l'habitent. Curieusement il est resté en dehors de la vague ambient qui a déferlé à cette époque avec The Orb, System 7, Biosphere, et autres neveux de Brian Eno biberonnés à la techno planante. Mais Richard Bone déroute et il est rarement là où on l'attend. Le voici donc furetant sur les terres des musiques latines et du West Coast Jazz, cherchant à y introduire ses climats ambient (Flanger reprendra ces recherches avec plus d'audace 5 ans après). Première incursion avec Metaphysical Mambo (1996), puis dans la bossa nova avec l'album Electropica (en 1998) enfin dans le jazz lounge des années 50-60, avec Coxa (en 1999), hommage appuyé aux vibraphonistes Cal Tjader, Dave Pike, au producteur Creed Taylor et à l'ingénieur du son Rudy Van Gelder. Si les machines et samples de studio (notre ami Bone est tout seul aux commandes) ne prétendent pas tenir la comparaison avec les pointures citées plus haut, ce tribute d'un électronicien venu d'une autre planète musicale n'en reste pas moins intéressant, en ce qu'il distille une certaine inquiétude dans ce salon de massage musical pour loungers nostalgiques.
En écoute Dido.

Richard Bone shows a deeper and more mature approach to his work and the constant ability to reach into uncharted territory with his compositions is rewarding. Listening to Coxa is like entering a smoke-filled sleaze bar with its requisite gritty lounge music. Coxa (Quirkworks, 1999) is a vastly improved version of Electropica. Bone keeps swinging between ambient music and this electronic pop-jazz format. No doubt this is a "lighter" genre, but Bone achieves a superb sense of elegance and psychological depth with Garden and 47 Youth Street. Even the mellow singalong themes of Playa Six and Dragneta My Love, while anchored to a simple refrain and too friendly to cocktail music, suggest subliminal moods. This is an album full of surprises, including a faithful revival of the big-band sound (Almorita Dive and What If). It stands as Bone's masterpiece in the "popular" genre..

19.3.08

Réalités

Mon rédac’ chef, le Martian Shaker, me l’avait bien dit « je veux de l’I-N-É-D-I-T, quelque chose qui nous fasse redécouvrir des richesses passées. » En entrant dans l’exposition consacrée à ‘Réalités’, j’avais trouvé là mon sujet. Peut-être parce que ce magazine, publié de 1946 à 1978, trônait parfois sur la table du salon de mes grands-parents et que certaines de ces couvertures m’étaient vaguement familières. Mais aussi parce que les photographies exposées dégageaient une force poétique remarquable, tant les clichés noir et blanc de la première époque (1946 – 1965) que les photos systématiquement en couleur à partir de 1965.
Ce luxueux magazine de reportage, inspiré du magazine américain ‘Life’, se définissait comme « un observatoire du monde », et était diffusé par abonnement à un public qui prenait son temps pour lire, et digérer, cette information. Produit atypique, le journal associait un regard quasi ethnographique, évitant les parti-pris, et des sujets éclectiques, loin de l’actualité immédiate. Paraissant sur un rythme mensuel, le magazine ne pouvait en effet traiter des sujets les plus ‘chauds’, quand certaines photos étaient publiées jusqu’à 3 mois après leur prise.
Journalistes et photographes bénéficiaient d’une grande liberté dans la conduite de leurs reportages, et les reporters partaient loin et longtemps. Mais ils se devaient de conserver un regard objectif dans leurs articles, restant en retrait et écrivant peu à la première personne. Les articles n’étaient pas concentrés sur l’essentiel, le rédacteur pouvait prendre son temps, voire digresser ; certains textes se finissaient même par le mot ‘Fin’. Les reporters de ‘Réalités’ parcouraient le monde pour délivrer des articles permettant au lecteur de se faire sa propre opinion, et comportant reportages, descriptions, expériences vécues, témoignages, mais aussi chiffres et faits. Le rédacteur en chef, Alfred Max, avait en effet découvert aux Etats-Unis avec Gallup l’usage des sondages dans la presse, et il utilisait les faits et statistiques pour dresser un portrait sociologique de la France.



A ce journalisme d’observation s’ajoutait une volonté de favoriser la création, française notamment, en publiant des auteurs, de Michel del Castillo à Raymond Aron ou Claude Lévi-Strauss, des articles sur l’art abstrait ou en laissant carte blanche à des artistes – comme cette couverture confiée à la toute jeune Agnès Varda.



La maquette faisait la part belle à l’image et mettait en valeur les clichés de l’équipe de photographes salariés ou ceux de grands noms de l’époque. Les photographes étaient les vraies stars du magazine, et s’y imposèrent au fil des numéros. Les images choisies par le directeur artistique, leur mise en page donnaient à ce mensuel un style particulier, unique même, mélange d’objectivité statistique et de mise en scène, qui allait au-delà de la recherche du scoop et de l’image prise ‘sur le vif’.



‘On allait parfois là il ne se passait rien, si j’ose dire. Echapper à l’actualité, ou à ce que l’on nomme l’actualité, et qui est bien souvent un rideau de fumée tragique qui dissimule le réel profond, c’est une chance.’ Edouard Boubat, photographe pour ‘Réalités’ de 1951 a 1967.
Les textes, reflet des valeurs bourgeoises et de l’esprit des années 50-60, fleurissaient de remarques qui peuvent maintenant sembler naïves, voire désuètes. Par exemple ‘la vie harassante et courageuse de la mère de famille’, ‘ses travaux et ses récompenses’ (Déc. 1955) ; ou encore dans ‘A quoi rêvent les jeunes filles de seize ans’ - Oct. 1956, article qui décrit le quotidien de Marie-José, on peut trouver des phrases telles que ‘La carrière d’épouse et de mère leur paraît préférable à n’importe quelle autre. (…) Parents et éducateurs peuvent se réjouir : ils ont fait d’elle un être profondément sérieux et pondéré. Avec elle, la France sera sûrement en de bonnes mains.’ Même si la règle était l’objectivité maximum, les articles, par leur mise en page, leur choix iconographique ou leur titre, laissaient apparaître le constat fait par le reporter. Les exemples sont nombreux, ‘Alger dans la tourmente’ (nov. 56), ‘Un pays où les Blancs combattent le dos au mur’ (sur l’Afrique du Sud, jan. 58), ‘Franco aux abois, l’Espagne crucifiée prie pour la fin du petit monde de Don Caudillo’ (mai 59), ‘Grandeur et misère du paysan espagnol’ Michel del Castillo, fév. 58… Ton dramatique et prise de position peu habituels à notre époque où les dépêches d’agence et l’information en continu ont imposé au traitement de l’actualité un style descriptif et loin de l’analyse.
Autre époque, autre style, toujours : des titres tels que ‘Bénarès, la ville sainte aux rites horribles et magnifiques’, ‘La vie rude et mouvementée du vétérinaire de campagne’, ou encore ‘La vie ingrate et magnifique du médecin de campagne’ témoignent de l’esprit d’une époque. Une génération qui n’avait pas encore fait le tour du monde devant son petit écran ou via des vols ‘low cost’, et qui s’enthousiasmait pour ce qui aujourd’hui nous paraîtrait juste banal.



‘Réalités’ a su dépeindre le réel avec force et poésie, mettant à l’honneur l’honnêteté intellectuelle. Une attitude pas si répandue aujourd’hui, quand la recherche du ‘scoop’, la juxtaposition d’images avec des faits bruts, transforment le journaliste en simple narrateur qui décrit l’actualité plus qu’il ne l’analyse.
'Réalités’ est une exposition de la Maison Européenne de la Photographie, à Paris jusqu’au 30 mars.

Nikolas Tantsoukes - Serie Orange

Sillonnant des sites de collagistes plus ou moins intéressants, je tombe sur le travail de ce styliste de formation, installé en Allemagne, et pratiquant l'art du photomontage avec un certain bonheur. Cliquez sur le titre de cette notule pour accéder à son site. Sa série d'intérieurs grandioses (cathédrales, galeries, bibliothèques), envahis par les eaux, est superbe !

"#1"
PaperCollage auf Karton
s/w und Farbe
Format: 21 x 15 cm
2006 / 08

"#2"
PaperCollage auf Karton
s/w und Farbe
Format: 21 x 15 cm
2006 / 08

"#3"
PaperCollage auf Karton
s/w und Farbe
Format: 21 x 15 cm
2006 / 08

"#4"
PaperCollage auf Karton
s/w und Farbe
Format: 20,5 x 14,8 cm
2007 / 01

16.3.08

Jacques Spitz - L'Oeil du Purgatoire


Encore une découverte faite via le Nouvel Attila. Rappelons que cette revue littéraire a remis en selle le prix Nocturne, fondé en 1962 par Roland Stragliati, pour récompenser "un ouvrage oublié, d’inspiration insolite ou fantastique". Le prix Nocturne n'avait été remis que trois fois puis avait été abandonné. Depuis 2006, le voici à nouveau à l'honneur.
Dans la sélection de plumes rares et de livres bizarres, en lice pour le Nocturne 2008, il y a ce roman d'un auteur oublié dont la production se situe principalement entre les années 30 et 50.
Le pitch est le suivant : Le peintre Poldonski promène sur sa vie, son oeuvre et ses congénères, un regard cynique et dégoûté qui l'achemine lentement vers le suicide. Il fait la rencontre d'un savant fou qui tente sur lui, à son insu, une expérience. Il infecte Poldonski par un bacille qui touche la vue, et le condamne à voir les êtres et les choses périssables tels qu’ils seront dans le futur. "Le mal progresse à vue d’œil, et le héros n’est bientôt plus entouré que de ruines, de cadavres et de squelettes. Le narrateur, qui se voit dépérir, s’inspire de ses contemporains pour des tableaux de danses macabres, et finit par accéder aux projections de l’âme."
Wikipédia dit de Jacques Spitz que sa science-fiction est étonnamment moderne. Pour ce qui est de l'Oeil du Purgatoire, je nuancerais ce jugement : le prétexte scientifique à cette capacité de voir le vieillissement paraîtra mince et peu crédible aux amateurs contemporains de SF. Plus intéressante et intemporelle est la réflexion philosophique que l'auteur tire de ces visions d'êtres et de choses dont le destin est la désagrégation. Car le grand mérite de cette fable fantastique est d'illustrer, avec une terrible noirceur, le thème de la vanité des choses humaines et le proverbe "Souviens-toi que tu es poussière".

12.3.08

Johnny Sedes - Mama Calunga


Johnny Sedes est considéré comme un épigone de la salsa. Ce vénézuélien directeur d’orchestre, multi-instrumentiste, vivant entre Porto Rico, New York et Caracas, a un peu le parcours d'autodidacte de Juan Garcia Esquivel. C'est en cela qu'il m'a intrigué. Je ne suis pas un passionné de salsa à proprement parler, mais bon... autant faire plaisir aux amateurs puisque cet enregistrement traîne chez moi depuis des années.
En 1969 il enregistra avec le label Fonseca : "Johnny Sedes And His Orchestra : Mamá Calunga". L’utilisation du saxophone sur les morceaux : "Carúpano","Doce Cascabeles", "El Manicero" (chanté par Chivirico Dávila) a fait le succès de ce disque. Chivirico chantait "La verdad" accompagné de Leo González (chanteur vénézuélien) et Bobby Cruz dans les chœurs. "Mamá Calunga" est marqué par la sonorité de Bobby Cruz. "Acere Voz Quiere" est une bomba avec du jala jala. "Te Vas" un boléro.

This is simply one of the strongest releases ever in the genre of Salsa/Mambo/Latin Jazz. Yet it still remains unknown to most people, most likely because it came out on the elusive Fonseca label of New York. This was a legendary record label that produced so much good stuff in the late 60s and even until early 80s. However, Fonseca went under and along with it disappeared the master tapes of all their recordings. This is one of the reasons the LPs on the Fonseca label have for a long time been highly sought after by collectors.
This is in many ways an album of Ricardo Ray’s though as it is his orchestra, but with Johnny Sedes on sax and doing the arrangements and compositions. It says on the back of the cover that Chivirico Davila and Leo Gonzales are on vocals, but some also include Bobby Cruz here in the coro and as the singer on the song “Mama Calunga” even though he is not credited.

9.3.08

David Shea - The Tower of Mirrors


Né dans le Massachusetts en 1965, David Shea s'installe à New-York en 1985 après des études musicales. Adepte de l'improvisation libre et de l'électronique, il s'intéresse depuis le début des années 90 aux échantillonneurs, qu'il a contribué récemment à perfectionner. Il est attentif à faire de l'échantillonneur un instrument à part entière, qui joue sa partition comme les autres et peut même se produire en solo. Sa production récente associe instrumentistes et échantillonneur pour produire soit des "symphonies" d'un nouveau type, où le matériau acoustique est fondu dans un prodigieux travail sur le son, soit des mises en scène de chambre, où l'électronique enveloppe les instruments dans une ambiance sonore qui n'est pas sans rappeler les musiques de film.
Notamment The Tower of Mirrors, créé en 1995, une des pièces maîtresses du puzzle musical de David Shea. Il s'est inspiré du roman chinois "Hsi Yu Pu", écrit par Tung Yen en 1652, qui raconte le voyage d'un moine taoïste de Chine en Inde, pour en rapporter les paroles sacrées du Bouddha. Alors qu'il chemine à travers la forêt, il sombre dans le sommeil et rêve d'une tour de jade emplie de miroirs. Chaque miroir s'ouvre pour lui sur un monde : le monde de l'oubli, le monde des anciens ou du futur. Cette oeuvre fut interprétée tour à tour comme une métaphore de l'illumination, un essai sur le désir dans la mythologie, une critique socio-politique de la dynastie Ming ou bien encore comme un recueil de contes populaires.
Autour de cette trame riche d'interprétations, David Shea convoque des échantillons de contes chinois, des prières, des textes lus en chinois, en italien, des citations de films (l'inquiétante voix laryngectomisée de Alphaville), et surtout une multitude de samples de space age pop.
"La nature exotique d'une grande partie du livre, dit David Shea, m'a amené à m'intéresser aux maîtres de la musique exotica, des années 50 et du début des années 60, principalement azux expérimentations extrêmes sur la stéréo, que la RCA avait commandées à Esquivel, Les Baxter, Martin Denny, Marty Gold, The Three Suns, André Popp, et d'autres, pour convaincre le public que la stéréo était plus intéressante que le mono.(...)
"Utilisant le roman comme lieu musical, mon travail a été élaboré à l'origine comme une collection de pièces pour sampler solo puis pour sampler et instrument. Il est ensuite devenu un récit cinématographique et musical constituée par des "miroirs" pour solos et duos illustrant des chapitres du roman. il est aussi un hommage à des compositeurs de musiques de films comme Henri Romain, John Barry, Ennio Morricone, Alex North, et à des compositeurs contemporains comme Ligeti, Xenakis et Feldman. L'étonnant travail de David Morley pour synthétiseur a fourni une bonne part du matériau de base pour les machines." David Shea




Manhattan-based composer David Shea is closely associated with the New York Downtown experimental music scene, which includes oft-collaborators such as John Zorn, Anthony Coleman, Bill Frisell, Marc Ribot, Fred Frith, Ikue Mori, and Bill Laswell. A sonic architect utilizing samplers, turntables, drum machines, and sequencers in complex amalgamations of genre and cultural reference, Shea is apt to move from probing electro-acoustics to Chinese traditional music, American pop, Latin jazz, and exotica in the space of a single piece. The bulk of his work appearing under his own name has been released through Zorn-related labels such as Tzadik and Avant, as well as through Belgian experimental music label Sub Rosa. Employing compositional methods forged from early electronic experimentalists such as Iannis Xenakis, Morton Feldman, Gyorgi Ligeti, and John Cage, Shea also adds more modern techniques of digital sound design and manipulation, cutting the combination with a wide palette of historical and cultural influence. A practicing Buddhist, Shea's odd fusion of East and West (particularly on albums such as Hsi-Yu Chi and Tower of Mirrors) is partly a function of the expressive role Eastern cultures have played in his own musical and cultural development. Shea's facility for fusing not only the spiritual but also the pop cultural elements of Eastern cultures (Hong Kong cinema, allegorical Chinese theater, etc.) is accomplished and critically renowned.

Les deux extraits ci-dessus en rip access"

4.3.08

Esteban Sapir - La Antena (Telepolis)



Précipitez-vous au cinéma, il faut aller voir La Antena (Telepolis en français), une fable fantastique à déclarer d'intérêt public, un joyau contemporain de cinéma en noir & blanc, par un réalisateur argentin, Esteban Sapir, qui incarne au sens propre l'expression "manger ses mots", ou le terme "muet" dans cinéma muet : il file avec ces deux thèmes une histoire d'une poésie éblouissante. "Imaginez un monde sans voix. Un monde où la télévision serait la nourriture du commun des mortels, guidés par une pensée aseptisée sous la dictature de Mr TV. Un monde où l'unique espoir de liberté viendrait de LA VOIX. D'une fable aux allures puériles, il crée une métaphore de la société de consommation actuelle dont les opinions semblent dictées inconsciemment par le règne de l'image." Fluctuat.net.
Sapir - comme son homonyme linguiste Edward, s'intéresse au langage ; au-delà d'un monde sans parole, que se passe-t-il si l'on ravit à l'homme ses mots ? Ce projet ultime et pervers du dictateur est le noyau dramatique, qui entraîne les héros de l'histoire à la contre-attaque. Mais Sapir excelle aussi dans le traitement de l'image (il a été directeur de la photo pour d'autres réalisateurs), avec une inventivité de tous les instants, citant Méliès, le Metropolis de Fritz Lang, l'expressionnisme allemand, le bizarre surréaliste (proche en cela de l'univers de Guy Maddin - mais en moins cryptique), la chanson rétro-latino, avec en plus une virtuosité graphique époustouflante (solarisation de l'image, la forme de 6/9 en spirale hypnotique, les montagnes de papier...).