25.9.07

Perez Prado & Rosemary Clooney - A Touch of Tabasco


Etonnamment, le dictionnaire du jazz paru chez Robert Laffont n'offre pas la moindre entrée alphabétique à cette actrice et chanteuse de talent. Peut-être est-ce son côté entertainer prime-time, avec son show musical télévisé : le "Rosemary Clooney Show", ses invités (le Nelson Riddle Orchestra, le quatuor vocal formé par les Hi-Lo's) considérés probablement plus comme des formations bon chic-bon public que comme de véritables pointures du jazz. Je ne sais pas. Qui a une explication ?
Entre les années 1958 et 1963, elle signe chez RCA Victor et réalise 6 ou 7 disques. Ecoutez-la en duo avec Prez, le Rey del Mambo, l'incontournable pianiste et arrangeur de bongos dansants de l'époque. Même si chacun des deux artistes aura réalisé de meilleurs disques séparément, il faut admettre qu'une jolie alchimie est à l'oeuvre dans cette "Pointe de Tabasco", gravée en 1960. Car Prez, qui a de son côté peu joué avec des vocalistes, a su créer un subtil écrin de tonalités cubaines à la voix de velours de Rosemary ; et cette dernière, qui n'avait jamais chanté avec des percussionnistes, donne une des meilleures versions de tous les temps de "Sway" et un "Bali-Hai" gorgé de touffeurs tropicales.



"This is a superb cooperation from 1960. And yes, they mean the world-famous pepper-sauce. These songs are hot, you´ll see... hear, I mean. I don´t have to say anything about Perez Prado, do I? Rosemary Clooney was an actress, TV-Show-host and singer. And a close friend of Bobby Kennedy, who was shot in 1968. She was married to the famous actor Jose Ferrer, and she is the aunt of George Clooney, but that´s not her fault... Hot rhythms, a hot voice and the bashy sound of Perez Prado, who could ask for more? More hot? Even hotter? Hmm, I´ll see what I can do... But till then, it´s Mambo-time!" Roman's Easy listening

24.9.07

Lustre à douze lumières - Emile Gallé


Non pas tant qu'il soit méconnu, le maître verrier nancéen, adulé des amateurs d'arts décoratifs - de son vécu et jusqu'à aujourd'hui, mais qu'est-ce que c'est beau !
Ce luminaire à "douze lumières" (mais j'en compte treize en tout), de verre soufflé, doublé, gravé à l'acide, est doté d'une monture en fer forgé qui parerait de la plus grande poésie florale une sortie de métro réalisée par Guimard. Sa forme en tulipe renversée est d'autant plus admirable et originale que les lustres de l'époque présentent le plus souvent une monture moins recourbée vers le bas, d'où l'impression ici, entre la monture verte ouvragée de tiges et de feuilles, la forme en corolle et les motifs, d'une fleur mise en abyme.
Elégance des formes, motifs japonisants, couleurs ocres et fondues, grâce à la fameuse technique du verre à plusieurs couches, avec inclusion d’oxydes colorants ou d’émaux. Il a été réalisé par Gallé vers la fin de sa vie aux environs de 1904, dit-on, et il représente à mes yeux un des plus beaux fleurons de l'Art nouveau.

22.9.07

Chiemi Eri & the Tokyo Cuban Boys - Japanese Folk Songs



L'engouement des japonais pour les raretés de jazz et de rétro-pop occidentales ne date pas des années 90 (il faut par ailleurs leur reconnaître d'avoir sur dénicher et/ou rééditer de très belles pépites de west coast jazz et de bossa nova - voir par exemple le site disque dessinee). Et de leur côté du pacifique, ils ont bien sûr tout un lot de kitscheries folk-pop, dont Chiemi Eri est sans conteste une des égéries. Cette chanteuse des années 50, qui fut également une actrice populaire, s'adjoint ici les services d'un combo local à tonalité cubaine (percussions et cuivres). Si bien que le chant de Chiemi Eri, modulé dans un style japonais classique, et posé sur des arrangements et une instrumentation jazz lounge ou mambo crée une hybridation inouïe et, ma fois, plutôt gironde pour des oreilles curieuses. On retiendra Itsuki no komoriuta, véritable perle d'exotica chaloupée et langoureuse, et Otemo-yan, où la belle adopte un jeu de modulations interrogatives typique du folklore musical japonais, que l'on retrouve d'ailleurs dans un titre célèbre du duo new wave (tout aussi japonais) "Frank Chickens."

16.9.07

Nature à l'oeuvre

Tirant le fil des associations d'idées à partir de l'ikebana et de la recherche d'une beauté "naturelle", mes souvenirs me ramènent à une exposition qui a eu lieu en Avignon sur le thème de la Beauté, en 2000.
Je reprends ici quelques photos assez spectaculaires d'éléments naturels (que l'on dirait ouvragés par la main de l'artiste) et quelques lignes du joli guide illustré de cette exposition, dans le chapitre "La nature à l'oeuvre", rédigé par Denis Picard.


Rose de bois, rosas de palo, Guatemala, bois dur 10X15 cm, Paris.


Gogotte, grès de Fontainebleau, Maintenon, h : 61 cm.



Glyptoxanthus angolensis (Brito Capello 1866) 6X8X2 cm, Congo.

"La nature est merveilleusement belle, dans l'infiniment grand que seul notre esprit peut appréhender comme dans l'infiniment petit que nos yeux seuls - jusqu'à des temps récents - ne pouvaient voir. Elle ne le sait pas, la nature, c'est sa manière d'être, "naturelle". C'est évident, sa beauté ne tient qu'à notre regard. Sans nous, les hommes, avec notre sentiment de l'esthétique, elle est, et puis c'est tout. avec nous, elle devient belle. En quelque sorte c'est une grâce qu'elle nous a fait de participer un peu de sa création en lui délivrant cette valeur ajoutée qu'est la beauté. Une grâce dont nous la payons bien mal en retour, nous qui la saccageons allègrement, aveuglément, cyniquement. (...)
Ce qui diffère de ce que nous voyons habituellement, ce qui nous ravit par quelque étrangeté, rejoint souvent pour cela notre appétit de beauté. Ces princes de la Renaissance qui pourtant avaient encore, eux, la chance de pouvoir contempler une nature quasi édenique, vierge d'autoroutes et de lignes haute tension, inconscients de ce bonheur, accumulaient dans leur cabinet de curiosités, ces coquillages aux troubles béances rosées, ces coraux aux efflorescences écarlates, ces dents de narval rebaptisées "cornes de licorne", que le commerce avec des terres lointaines, parées par leur éloignement même de tous les attraits, leur apportait, souvent à prix d'or."


Agate paysage, Denio, Nevada, 4X6,4 cm.

15.9.07

Ikebana de Susumu Saiki - Ikenobo School


L'art japonais traditionnel de "l'arrangement des fleurs coupées", ou Ikebana, reste peu connu. Il est considéré par les puristes comme une discipline soeur du tir à l'arc ou de la cérémonie du thé. Car se concentrer jusqu'à faire un avec sa cible, porter à la perfection le rituel de partage du thé, ou chercher l'expression la plus simple et la plus authentique de quelques fleurs et branches (union avec la nature), ce ne sont là que différentes modalités d'une quête intérieure de l'harmonie et du recueillement. La transmission de ce savoir secret se faisait auparavant à la manière extrême orientale (c'est-à-dire sans truchement de la parole qui risque de figer la connaissance ) et donc par l'observation et la répétition des gestes du maître, suivis d'innombrables exercices et de recommencements. Une véritable initiation.

On est assez loin, aujourd'hui, de cette exigence spiritualiste qui caractérisait l'enseignement des maîtres. Les règles strictes de la discipline d'antan se sont assouplies et ouvertes, facilitant l'accès des amateurs à des créations florales plus libres et tout aussi pleines de naturel. En sillonnant les sites dédiés à cet art, je tombe régulièrement sur de très belles compositions ; dont celle-ci, d'une grande simplicité.

Trois branches structurent cet arrangement de type classique, appelé seikwa, qui selon les principes de base doit former globalement un triangle. A la différence de l'harmonie occidentale souvent fondée sur la symétrie, l'esthétique orientale préfère l'impair, le déséquilibre, d'où cette composition en triptyque, dont les vecteurs doivent par ailleurs être de grandeur inégale. La plus haute branche symbolise le ciel et la dimension aspirationnelle que l'on veut donner à l'arrangement. La branche moyenne symbolise l'homme et sa position dans son environnement. La petite branche s'incurvant vers le ciel symbolise la terre, et se trouve ici par exemple rattachée à une petite masse végétale. Les trois branches, en réalité séparées, doivent donner l'impression d'être issues d'un même rameau, ce qui est parfaitement réussi dans cet arrangement.
Vous pouvez apprécier également le déséquilibre avec lequel l'ikebana fait basculer à l'extérieur le centre de gravité de la composition, respectant l'épanchement naturel des fleurs. Encore une différence avec notre esthétique du bouquet occidental, qui aime peu voir des éléments floraux "pendre" hors du vase.
L'ensemble crée l'impression d'un mouvement rotatif, ou centrifuge, comme si ces quelques baies rouges se développaient en hélice à partir de leur centre pour s'épanouir en fleurs de prunus ou de cerisiers. Superbe !

9.9.07

A Small, Good Thing - Slim Westerns Vol.I


Andrew Hulme est une personnalité aux multiples facettes : pierre angulaire de plusieurs groupes des années 90 (O yuki Conjugate, 7, The sons of silence, Spoke), il a également travaillé avec deux excellents guitaristes, Tom Fazzini et Mark Sedgwick, au sein du bien nommé A small, good thing, dont Slim Westerns, tout au moins le volume I (1994 - car je n'ai pas écouté la suite qu'ils ont donnée à cette belle échappée planante), est le premier et probablement le meilleur des trois disques jamais sortis. A situer entre un Morricone lysergique, un Calexico ambient, et le Ry cooder de Paris-Texas dans les scènes paysagistes initiales.
C'est dire que les guitares sont ici à l'honneur - câbles électriques tirés le long de routes sans fin -, cordes réverbérées, traitées ou maltraitées (Hole in the Heart), qui tracent les lignes de fuite d'un far-west surréel. Lâchées par amples pincées sous le soleil, ou alors glissant tels des busards slide dans l'air étalé en nappes denses. Des ébauches de mélodies folkisantes basculent parfois, entre chien et loup, dans une atmosphère d'abandon, ponctuée de cloches funèbres (Twice As Evil As You), de percussions sèches et guimbardes aux vibrations âpres (Saguaro). Le sifflement d'un lasso, suivi de raclements, ouvre une scène mystérieuse dans Gulch. Les façades rugueuses des canyons s'adoucissent sous les brumes électroniques et les échos de lointaines chorales. De brefs dialogues, des ferraillements de trains, rappellent les ambiances plus typiques des westerns ; mais les mirages reprennent vite le dessus, détourant des plans qui s'effacent aussitôt entre aperçus. Slim Westerns restitue les aspérités de ces territoires, comme à travers l'oeil d'un condor qui chercherait la portance des grands courants aériens et les frémissements de l'infiniment petit.

Mark Sedgwick (acoustic & electric guitars, glissando, keyboard, percussion, mouth harp, electric slide, bass, simulated gate, reclusion)
Tom Fazzini (guitar, keyboards, tapes, voice, typewriter, acoustic slide, celeste, rubber band machine)
Andrew Hulme (keyboards, percussion, trumpet, whistles, wildlife, dry guitar chops, bogus marimba, edit, FX)

UK group A Small Good Thing is the brainchild of Andrew Hulme, better known as the driving force behind seminal tribal ambience group O Yuki Conjugate, whose Peyote and Undercurrents albums are classics of the genre. Slim Westerns represents a directional, and inspirational change for Hulme, whose customary preoccupation with tribal rhythms is here superceded by a kind of pulp fiction-inspired, and occasionally almost quirky ambient ode to the American "wild west".

Opening to the crisp, clear sounds of a kind-of laid-back, twangy, Ry Cooder-ish steel-stringed guitar piece, overlaid with the thick electro-atmospherics that have long been the hallmark of O Yuki Conjugate recordings, Slim Westerns makes an immediate impression; it is an impression of wide open spaces, shimmering, heat-haze crazed horizons, and - you guessed it - big men in Stetsons and spurs who shoot straight and ride tall in the saddle!
The curious and original thing about this album is its evocation of the "wild west" as a memory of too many rainy Saturday afternoon B-Grade serials at the Bognor Palladium, or any of its incarnations elsewhere in middle Britain. As such Slim Westerns betrays the cold, northerly aspect of its European heritage, and in so doing provides an interesting comment on the near-universal permeation of American cultural iconography in the second half of the Twentieth Century. The album is an eccentric and thoroughly overblown parody of its subject (witnessed by track titles such as: Twice as Evil as You, Hole in the Heart, Gunsmoke and Jane Russell), yet at the same time its half-out-of-tune saloon bar piano feel and dreamy Harold Budd-inspired resonant spaces lend it a listenability born of inspiration rather than derivation.
Somewhere South of Here is the recording's standout piece, locating spoken word samples of delerious religious fervour in a (spiritually?) empty ambient landscape, and throwing in undertones of implicit violence and madness for good measure; it is a piece which veritably glistens in the noonday sun whilst hiding a heart as black as coal - the perfect sonic image of the fatally flawed, simplistic duality which lies at the the centre of the "wild west" myth.

6.9.07

Jacques Rougemont - Histoires feintes





Je découvre avec délectation l'univers joyeusement macabre et iconoclaste de Jacques Rougemont, artiste cryptique s'il en est (l'internet ne fournit quasiment rien à son sujet). Rougemont nous offre une flambée de collages digne des surréalistes des années 50, à travers un univers visuel haut en couleurs, fantasmagorique, bizarre. Son bestiaire fait de rongeurs et de singes, d'écorchés d'anatomie, de paquets de viscères, taquine volontiers celui qui dit "ceci est mon corps, ceci est mon sang", et toute l'imagerie pieuse du siècle dernier.


L'ouvrage présente en pages centrales une série excellente de collages en noir & blanc, sur la base d'illustrations au trait, courantes aux débuts de l'imprimerie. Les collages figurent en grande partie les scènes d'un cabinet de curiosités, comme si foetus, limaces, cervelles, étaient la matière première d'un bestiaire monstrueux mi glaçant, mi hilarant.
A déguster sans modération. L'ouvrage est édité par les éditions d'art contemporain et Capharnaum. Il est disponible à la librairie Un regard moderne 10, rue Gît-le-Coeur - 75006.

2.9.07

Jordi Sabates - Ocells del més enllà


Allez vite sur le blog de Prog not Frog, vous pourrez y écouter le mésestimé claviériste espagnol Jordi Sabatès, qui a sorti dans les années 70 cet album de jazz fusion mâtiné de flamenco et de dérives progressives, dont quelques jolies compilations (URGE, Spanish grooves, Improvisto vol. I chez Vadim music) ont récemment promu le track le plus contagieux : Ocells del mès enllà part III ; track qui reste - à l'écoute de l'ensemble - LA tuerie à se frapper la tête contre les murs. C'est à ma connaissance la première fois que l'album entier est accessible via le net : les amateurs de prog/rock se délecteront sur toute la cuvée ; amateurs de grooves, vous avez le meilleur avec le part III.



Keyboardist/composer Jordi Sabates played on a lot of good Spanish albums during the 1970's. He composed and played keyboards (piano, Fender Rhodes, organ and Moog synths) on this album, that he is joined Toti Soler-flamenco guitar, Ricardo Sabates-electric guitar, Manolo Elias-electric and contrabass, Ivan Bargas-drums, Gustavo Quinteros-percussion and Erica Norimar-voice. This is an absolutely fantastic Spanish fusion/progressive disc. Follow the link.

1.9.07

Alex Scorier - Latin for dancers


La trajectoire d’Alex Scorier, soliste de formation swing, souffleur de grande tenue (saxophone ténor et soprano, trompette, flûte) alterne expériences en big band (Fred Bunge, BRT Big Band), travail en petite formation (avec Herman Sandy, Philip Catherine, Marc Moulin et son Placebo) performances de sideman (aux côtés de géants comme Bill Coleman, Buck Clayton, Don Byas), incursions funky (saxophone au sein des très sensuels Chakachas) et bien avant les années 70, il livre d'admirables versions un peu fake de mambo, latin et lounge (à la manière de Michel Magne avec Tropical Fantasy), à travers trois albums parus chez Polydor (Cha Cha Cha A Go Go, Sax In The Box et Latin For Dancers ), recherchés des collectionneurs, notamment le dernier, pour ses revisitations de standards tels que Perfidia, Havah Nagilah, Bubbles & Co, avec un morceau sublîme : Taboo. Pièce rare, donc, brought to you par Martian Shaker pour la rentrée :) Bonne écoute !



Alex SCORIER studied at the Brussels Royal Conservatory. He started his musical activity at age 18. In 1952 he formed his first big band with two American musicians - Sax player Jay CAMERON who was the soloist of the Woody HERMAN Orchestra and Slide HAMPTON and Jimmy GOURLEY (guitar). During 1954 to 1956 was member of the Fred BUNGE and Werner MULLER Orchestra in Germany as well as that of Fud CANDRIX. Back in Belgium, Alex SCORIER plays with famous American soloists, passing through the country, such as Buck CLAYTON, Taps MILLER, Bill COLEMAN, Clark TERRY, Steve LACY, Ernie WILKINS, Richard BOONE, Don BYAS. A jam session with Duke Ellington, at the Faun (Hambourg), in 1955 and with Slide Hampton.
From 1964 to 1991 he is a member of the BRT (Flemish radio & TV) big band under Francis BAY and Freddy SUNDER. He is a member of Marc MOULIN's "PLACEBO" from 1973 to 1975, with Richard ROUSSELET, Philip CATHERINE and others.
Latin For Dancers (Polydor) is a wicked album – half the tracks are average faux-latin fare (Patricia, Cherry Pink and Apple Blossom White,...) but don’t let that fool you because a handful of songs turn this into an essential album. Taboo is one but Scorier’s own compositions too are splendid. Ba Bi Baloo – Bi Balaa has brilliant worldless vocals and Meeting Point is a Killer with capital K.