La communication de masse relevant par nature du "médiatique", la publicité n'a en principe rien à faire sur Martian Shaker, si l'on en croit le programme ci-dessus, mais il m'arrive de faire des entorses. Cela dit, il est vrai aussi qu'on est dans un circuit parallèle ; car il s'agit en partie d'une très belle campagne, parue en suisse en 2007 (WWF), dont on n'a pas vu la couleur en France et dont on ne verra pour ainsi dire plus jamais la gueule ou le bec !
Voici donc deux communications pour la protection des animaux sauvages ou en voie de disparition.
Ci dessus, un extrait de l’annonce de l’ONG IFAW (International Fund for Animal Welfare) - je sais, le noir & blanc ne leur rend pas justice mais je n’ai rien trouvé d’autre - dont on peut voir actuellement une déclinaison en affichage métropolitain à Paris.
Ci-dessous la campagne "Give a hand to wildlife" pour le WWF (World Wildlife Fund), réalisée par l'agence de publicité Saatchi & Saatchi Simko de Genève. Conçu par Olivier Girard, Jean-Michael Larsen, Nicolas Poulain et l'artiste Guido Daniele, "Give a hand to wildlife" a reçu le Grand Prix Romand de la création.
Ce qui m’intéresse est le propos en définitive assez similaire tenu par les deux organismes. D’un côté l’animalité sauvage mimée par la main, il n’en reste plus qu’une simulation virtuose (WWF), de l’autre l’animalité sauvage mimée par le mot (IFAW). L’idée créative mise en oeuvre pour la campagne IFAW (postérieure à celle de WWF) emprunte donc un chemin parallèle à celle de la campagne suisse. Ainsi les deux messages visuels ont en commun quelque chose de ludique (ici une sorte de dessin d’enfant mimant grossièrement la chose dans la forme du mot, là une main en ombre chinoise dopée par la couleur et d'un réalisme époustouflant), et en même temps d’inquiétant, car dans les deux cas, le référent a disparu. Il n’en reste plus qu’une représentation, incarnée mais factice (l’image de l’animal), désincarnée et appauvrie (l’iconisation du mot). Tout se passe comme si l’homme n’avait bientôt plus que des pis-aller pour représenter les animaux.
Il convient cependant de reconnaître la supériorité visuelle de la campagne pour le WWF, et la pertinence de son rapport texte/image. Car l’illustration de l’accroche « Give a hand to the wildlife » constitue ici une métaphore au pied de la lettre : l’animalité à portée de main, la main donnée à…, donnée pour la vie animale sauvage. Si l’homme est encore aujourd’hui capable d’atteindre ce point de ressemblance virtuose avec l'animal, c’est que son animalité n’est pas si loin, inscrite dans sa chair, dans l’histoire des masques tribaux et des parures zoomorphes ; c’est que le temps où l’homme trouvait dans l’animal sauvage une puissance mimétique peut encore être notre temps. Cette parure faite « à la main » aurait-elle la fonction d’un rituel de prévention, à la fois moderne et magique : que l’animal sauvage ne disparaisse pas par la main de l’homme ?
These beautiful ads were done by the swiss Saatchi&Saatchi Simko advertising agency for the WWF with an escorting message ”Give a hand to wildlife’. They are works of art of a bodypainter Guido Daniele that imitate a tiger, an elephant, a snake, a zebra, an eagle and a toukan. This concept isn’t completely new but nevertheless the works are amazing. The ads were notminated at Cannes 2007 and ended up on the shortlist.
23.1.08
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3 commentaires:
Quand Martian Shaker marche sur les brisées du Dr Moreau!
Telle est la loi!
Je connaissais ces magnifiques peintures sur mains mais j'ignorais qu'elles faisaient partie d'un campagne pour le WWF...
Je trouve interrêssante l'interprétation que vous en proposez. Entre mimétisme et rituel magique, la main se glissant en quelques sorte dans la peau de l'animal et disparaissant métaphoriquement pour se fondre à lui ou à son image, n'est pas sans évoquer ces empreintes de mains au pochoir dans la peinture rupestre et l'interpréation qu'en donne Jean Clottes (...ou David Lewis-Williams??)
Selon lui ces empreintes étaient à comprendre comme le résultat d'un rituel et non comme production (artistique) en soi: lorsque l'homme du paléolithique mettait la main sur la paroi et qu'il projetait la peinture sur sa main, celle-ci se fondait dans la roche dont elle prenait la couleur... La main disparaissait ainsi dans la paroi et établissait une liaison avec le monde des esprits et les forces sous-jacentes à la roche. Ce qui permettait (peut-être même ainsi qu'aux malades) de bénéficier directement des forces de l'au-delà. Hypothèse corroborée par la présence de mains de très jeunes enfants.
Reste à savoir ces mains d'homme (celles de Guido Daniele) puisent leur force dans celle de l'animal où s'ils l'en dépossèdent...
Mais ces mains me rappellent aussi celles, extraordinaires de dépouillement et d'humour, de Mario Mariotti qui, même si elles s'éloignent quelque peu de cette idée de l'animalité et d'un rituel magique, n'en restent pas moins un fascinant exercice de style... à moins que l'humain ne disparaisse lui-même de la main de l'humain!
http://apu.mabul.org/up/apu/2008/01/31/img-031254n6enj.jpg
(Et je suppose que vous connaissez ces peuples de la vallée de l'Omo, magnifiquement décrits par le photographe Hans Silvester)
Merci pour ce commentaire érudit et ouvrant de nouvelles voies. De mon côté je ne connaissais pas les ombres chinoises colorées de Mario Mariotti, que je trouve très amusantes, avec une esthétique un peu rétro, bien sûr moins réalistes que celles de Guido Daniele, mais tout aussi créatives dans le geste qui aboutit à la tête animale.
Quant au peuple de la vallée de l'Omo, j'en avais vu des photos, sans en connaître le photographe.
J'apprécie, mais cela dit, la symbolique des ornementations m'intrigue plus que la démarche photographique, moins originale en soi ; car nombreux ont été les photographes qui, depuis la controversée (et néanmois talentueuse) Leni Riefenstahl, ont su saisir la beauté des corps, parures et peintures d'ethnies africaines et autres....
Au plaisir de vous lire plus souvent sur Martian Shaker.
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