28.1.07

Filip Andreevitch Maliavine - Paysanne (1903)


J'ai un regret au sujet de l'exposition sur L'art russe, présentée au Musée d'Orsay à Paris fin 2005, et que j'ai ratée (vous me voyez venir), c'est de n'avoir pu contempler en grandeur nature (1m 15 sur 2m 06 de hauteur) ce tableau saisissant de Filip A. Maliavine. Un magazine dédié à l'art ne s'y est pas trompé, faisant figurer cette toile en 1ère de couverture de son numéro consacré à l'événement, - et par quoi j'ai été capturé dès le premier regard, arraché au temps et transporté par magie dans la tourmente rougeoyante de cette scène paysanne du début du XXème siècle.
Dans le catalogue du musée, le bonhomme Maliavine est peu évoqué par les exégètes, la bio est succinte et on peut lire p.45 trois lignes qui le caractérisent sans aménité : "...Filip A. Maliavine, célèbre pour sa Rafale (1905, Moscou, Galerie Tretiakov) et ses portraits de "filles" insolemment voyants et tape-à-l'oeil"; suit la citation de ce tableau. On peut constater le peu d'intérêt du curateur pour la pièce en question : la fille étant plus précisément une "paysanne" ; et l'insolence du "voyant" et du "tape-à-l'oeil" apparaît comme un jugement de valeur négatif puisqu'on peut aussi y voir un signe de belle santé esthétique. On l'aura compris, chez Martian Shaker, "tape-à-l'oeil", tape-à-l'âme, sans conteste, c'est là que gît la beauté.
Chez le Maliavine de cette époque, peintre ambulant qu'il était - à la recherche des scènes populaires et symboliques du folklore russe - comme on peut le voir dans le tableau "Paysanne dansant" (ci-dessous), le fond et le sujet s'entremêlent dans une osmose toute baroque. Soit le baroque tel que le définit le théoricien d'art Heinrich Wôlfflin c'est-à-dire privilégiant l'enchaînement des masses, l'indivisibilité des composantes de la scène et l'instantanéité de la saisie visuelle. Mais un baroque slave, sur fond rouge, une des couleurs traditionnelles, exalté ici dans la vue en contre-plongée qui magnifie la femme ; un baroque fusionnel où les motifs de pavots de sa grande robe de style tsigane se fondent de façon imprécise dans le paysage rouge et noir. Revenons aux tsiganes : en 1861, le servage est aboli en Russie, tous les Tsiganes sont libres - et la femme du tableau dessous, à peau mate et boucle d'oreille semble aussi de type tsigane. Mais notre toile est autrement plus poignante : le ciel flamboyant est celui d'un orage qui s'annonce, la révolution de 1905 est peut-être déjà dans l'air. Alors comment interpréter le geste qui participe à l'étrangeté saisissante de ce tableau ? Une main sur la tête, l'autre sur la bouche, est-elle horrifiée par une vision ? non : les yeux ne sont pas écarquillés. Cela ressemblerait plus à un geste familier, rituel ; est-elle en train d'esquisser un pas de danse, elle aussi, ou entamer une de ces vieilles et merveilleuses chansons russes dont les tziganes ont le secret ?


Maliavin was born in 1869 in Kazanka (Samara province, today's Orenburg) and he died in 1940 in Nice. From 1885 to 1891 he was painting icons in the monastery of Saint Pantelejmon on Mount Athos, from 1892 to 1899 he studied painting with Ilija E. Repin at the academy in Saint Petersburg. The portraits of his fellow students Igor Grabar, Elisaveta Martinovna and Konstantin Andreievich Somov date from this time. In 1895 Pavel Tretjakov bought his paintings Peasant Girl Knitting and A Girl with a Book for his gallery. Maliavin depicted motifs from Russian peasant life, peasant girls and old women. In 1900 he went to France. He lived in Paris where he exhibited Laughter at the World Exhibition and won the gold medal (the painting was bought by the Museo d'Arte Moderna in Venice in 1901).

1 commentaire:

Nuage fiché qui rêve a dit…

J'aime beaucoup le premier tableau ; ça vaut la peine de cliquer sur l'image pour l'agrandir !