Ce qui a consolidé mon goût pour cet auteur, c'est que presque tous mes plus proches amis lecteurs - et plusieurs partageant mes goûts - n'ont pas apprécié ce livre. Il y avait donc là soit quelque chose de vraiment dérangeant qui m'échappait, soit une beauté secrète qui leur échappait. Aujourd'hui l'interprétation qui me convient le mieux est qu'il y a une beauté "secrète" et "dérangeante" dans l'écriture de François Augiéras.
Je repars de ces deux qualificatifs qui me semblent caractériser assez bien les textes d'Augiéras : une beauté "secrète" et "dérangeante", qui s'impose d'emblée dans L'apprenti-sorcier via, notamment, le thème de l'homosexualité. Une homosexualité dérangeante - a fortiori parce qu'elle concerne des mineurs - donc secrète aussi et condamnée par avance, découverte dans la volupté du fouet et des caresses, reçues d'un prêtre, chez qui l'adolescent narrateur est en apprentissage. On peut difficilement faire plus dans la provoc' ; pour quoi ce texte est resté inédit jusqu'en 1964, année où Jacques Brenner l'exhume et le fait éditer. Mais ce thème n'est en définitive qu'un prétexte justifiant l'éloignement progressif (des protagonistes) de la société et des passions ordinaires. Car, comme dans "Un voyage au mont Athos", cette vie d'ermite fait du plaisir une expérience personnelle mystique. Dans "L'apprenti-sorcier" l'apprentissage deviendra initiation à une sorcellerie qui ne se nomme jamais, une connaissance animiste et panique des éléments : source pure où l'adolescent va déposer son âme, feu de bois et fers portés au rouge dans la nuit, appelant des présences invisibles. Le récit de ces échappées buissonnières s'épure en une ode à la beauté de la campagne, des sources et des fleuves (le Bateau Ivre n'est pas si loin), vibrant à l'unisson des forces magiques de l'amour et de la nature.
En illustration, ces quelques pages :
C'est en survolant récemment le profil d'un de mes visiteurs, au pseudo très augiérassien, que je redécouvre cet auteur mal connu et en définitive assez mal aimé (dans mon expérience), qui a donc lui aussi sa place chez Martian Shaker.
François Augiéras, L'apprenti-sorcier, Les Cahiers Rouges - Grasset, 1995, 140 pp., accessible ici
8.2.07
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4 commentaires:
"une connaissance animiste et panique des éléments" :o)
Bravo Martian Shaker et merci pour ce partage ; il y a longtemps que je n'ai pas lu Augiéras. Encore un peu plus loin dans la provoc' si mon souvenir ne m'abuse, il y a "Le voyage des morts", récit d'une errance en Afrique du Nord, où l'écrivain confie une sexualité qui s'étend aux autres espèces. Notons que dans l'apprenti sorcier, là encore si je ne m'abuse, le jeune François faisait l'amour à un arbre. Et en matière de sexualité toujours, son "initiateur premier" aurait été un oncle, militaire en poste dans le désert algérien(Le vieillard et l'enfant).
Il faut que je lise "Le vieillard et l'enfant" et relise "Le voyage des morts" ; ce dernier étant un très beau texte qui va en effet encore plus loin.
Au titre des expériences mystiques et "paniques", à proprement parler (puisque les protaganistes cherchent à recréer les conditions d'un rituel du dieu grec), il y a trois pages superbement inspirées et traduites dans "Le maître des illusions" de Donna Tartt.
Je pense poster quelques lignes là-dessus bientôt.
Je n'avais pas saisi le "panique" comme découlant de Pan ; d'où mon amusement un peu béotien !
Je pense suivre la piste du Maître des illusions.
Ce dernier point mérite un petit éclairage étymologique, qui trouvera sa place, je pense, dans la notule sur Donna Tartt.
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