2.12.07

André Pieyre de Mandiargues - L'anglais décrit dans le château fermé



Par goût, par défi ou comme un exercice de style, nombreux ont été les auteurs qui se sont adonné au genre érotique. Et leurs incursions sulfureuses dans les sillons de la chair furent parfois d'admirables claques à la bien-pensance littéraire de leur temps. Alfred de Musset (avec Gamiani ou Deux nuits d'excès) ; Guillaume Apollinaire (avec Les Onze Mille Verges) ; Louis Aragon (avec Le Con d'Irène) ; Anaïs Nin (avec Les Petits Oiseaux)... Au reste, tous devinaient bien que - sous leur propre nom ou sous une identité d'emprunt- ils laisseraient dans leur bibliographie une pièce subversive et infamante, qui serait inévitablement écartée de la postérité pédagogique. Bannissement fort regrettable pour les jeunes générations, car à l'âge où la sensualité s'éveille loin des textes sages du Lagarde & Michard, ces écritures de la jouissance sont de celles qui communiquent une certaine jouissance de l'écriture. Il nous aura donc fallu attendre longtemps avant de découvrir ce fabuleux roman d'André Pieyre de Mandiargues, publié en 1954, sous le pseudonyme de Pierre Morion. L’anglais décrit dans le château fermé fut interdit en 1955 et valut à Régine Desforges, son éditrice, une inculpation d’outrage aux bonnes mœurs.

"L’ouvrage raconte la dernière orgie de M. de Montcul, un anglais aussi excentrique que sadique et blasé, qui s’est retiré dans sa résidence de Gamehuche, en Côte de Vit. Dans les caves du château sont entreposées des centaines de tonnes d’explosifs et Montcul déclare dès le début du récit qu’il fera tout sauter « à la première fois qu’après avoir bandé [il ne sera] plus capable de jeter du sperme ». S’en suit une soirée où les excès les plus invraisemblables se produisent et qui se termine, comme vous le devinez, par « l’éjaculation grandiose » du château."
"Un livre par moments insoutenable, dominé par l'inquiétante figure sadienne du libertin Montcul, et porté par une langue éblouissante, où le sadisme et un humour d'une qualité très particulière sont poussés à la dernière extrémité. Jamais l'érotisme et l'alliage de cruauté et de volupté, qui sont, avec l'amour de la mer et des crustacés, deux composantes essentielles de l'univers de Mandiargues, n'ont atteint de tels sommets, ou de tels abîmes."

Trois choses très justes sont à retenir de ces descriptions du roman de Mandiargues, glanées sur le net, c'est le jugement de valeur sur le style "une langue éblouissante", le caractère "invraisemblable" du récit et la tonalité, soit "l'humour". Ces trois éléments permettant de quitter assez rapidement le décor sadien pour entrer dans la scénographie excessive et grotesque qu'affectionne Mandiargues. Exercice de style pornographique donc, où le baroque l'emporte toujours sur le réalisme de la cruauté.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ce bouquin est formidable! Je l'ai lu en décembre 1986 rue Pascal chez un copain qui m'avait prêté son appartement parce que j'étais à la rue, viré par ma bonne amie de l'époque. Je l'ai trouvé au fond d'un plumard (!) et l'ai lu d'une traite avec une voracité ogresque! Le problème c'était les effets de la chiennerie sur mon imagination en rade: impossible de voir passer un cabot au bout d'une laisse féminine sans me mettre à délirer.
Je me suis soigné sous le tonneau du Saint-Bernard.