1.12.07

The Hi-Lo's - Suddenly it's the Hi-Lo's


"Il y a, comme dans la musique baroque vocale d'un Gesualdo ou d'un Monterverdi, dont il faut considérer qu'ils en ont été le lointain écho, de la démesure, de la douceur et du tragique dans les meilleures prises des HI-LO'S, polyphonistes raffinés qui chantèrent la musique populaire comme les standards les plus difficiles avec un bonheur constant derrière leur inventeur et poète, Gene Puerling qui mit fin à la vie de cette formation au début des années soixante après 10 ans de succès et une popularité inégalée en Amérique pour un groupe vocal de cette trempe. Les HI-LO'S, comme les Pied Pipers et les Meltones en leur temps, ont été un modèle pour nombre de formations vocales de jazz ou de variété et leur influence sur plusieurs groupes de rock californiens est évidente. Il suffit d'écouter, par exemple, Pet Sounds des Beach Boys pour se convaincre du fait que dans God Only Knows ou Caroline, No, la main de Brian Wilson se souvient des pyrotechnies sensuelles écrites par Puerling 10 ans auparavant.



Quand Gene Puerling et son copain Bob Strasen firent la connaissance de Bob Morse et Clark Burroughs, chez Billy May, il fallut les arrêter après que Puerling se soit mis - émule de Burroughs? - à tirer à la carabine sur deux filles qui avaient dit du mal de l'orchestre de Thornhill, celui qu'il préférait alors entre tous - et cela n'est pas un hasard quand on connait la faveur obsessionnelle qu'avait Thornhill pour les grandes plages instrumentales à l'unisson alternées avec des exercices musicaux un peu enchevêtrés et les ronds de chapeau qu'il fit, pour cela, baver à ses musiciens. Ces plages de rêve sur les rivages desquelles il s'allongera de plus en plus, pour ne plus se relever, enfant de volupté, dans la seconde partie de sa carrière avec les Singers Unlimited.

Le mélange détonant prend et ne tarde pas à exploser, on le voit quand les fastes de l'Orfeo de Monteverdi renaissent de manière improbable dans la chaleur alcoolisée des clubs californiens avant de rejaillir de manière parfaitement inattendue dans cet enfer matérialiste qu'est le bord d'une piscine de Beverley Hills où Eurydice, garce aux oreilles délabrées refuse de suivre la lyre d'Orphée qui, lui, ne s'en retourne qu'avec une arme à la main.

Tragique Gene Puerling qui n'y allait pas par quatre chemins avec les filles qui le fatiguaient assez vite s'il faut en croire ce Then I'll Be Tired Of You où l'épuisement du sentiment se décline comme la fin du jour dans l'exposé du thème, la splendeur vespérale portant sur sa courbe sans faille les voix merveilleuses des chanteurs quand monte la marée des couleurs sous la poussée irrésistible du Marty Paich Dektette, les longues vagues harmoniques aux crêtes en croupes ruisselantes de regret, émaillées par l'intime mais souveraine trompette de Jack Sheldon en miniature. Les HI-LO'S chantent ici jusqu'à l'étiage du cœur en confidence cette version inoubliable de la chanson écrite par Schwartz et Harburg en 1934.

Sal Salvador: Gene et Bob, qui avaient un coup dans le nez, n'ont pas supporté d'entendre dire du mal de Thornhill qui, encore plus défoncé, était assis, son éternel costume blanc froissé, un verre à la main, juste au bord de la piscine et manqua d'y tomber de désespoir lorsqu'il entendit ces deux jolies filles le traîner dans la merde. Gène dit qu'il ne pouvait pas entendre ce genre de mensonges et préférait s'en aller, et il s'en alla, mais seulement pour revenir quelques minutes après avec la carabine dont Bill se servait pour tirer les lapins. Quand elle lui demandèrent s'il n'était pas cinglé, Gene se tourna vers Bob Morse et lui demanda ce qu'il en pensait et Bob dit aux filles que Gene était vraiment cinglé et qu'il l'avait déjà vu tirer sur des gens avec qui il ne parvenait pas à se mettre d'accord. Claude [Thornhill] sortit alors de la sorte de léthargie dans laquelle le Bourbon le plongeait et se leva en titubant et braillant un truc du genre "la musique ne vaut pas la peine de perdre la vie pour elle" et Gene le coupa en disant que si et qu'il fallait faire un exemple. L'une de filles, une rousse en maillot de bain vert qui faisait des petits rôles pour la Warner se mit alors à chialer, tombant à genoux et demandant pardon. C'était incroyable et cela faillit tourner mal. Finalement, Morse et deux autres gars maîtrisèrent Puerling et on raconta après aux filles que l'arme n'était pas chargée. Je ne sais pas si elles le crurent, mais elle n'allèrent pas voir les flics. Heureusement pour Gene et son groupe vocal qui étaient du tonnerre et marchaient bien à cette époque et passaient souvent dans les shows TV. Une histoire avec les flics aurait tout foutu en l'air.


Merci à Bannister pour ce texte / By courtesy of Voices


En complément : 3 titres extraits de l'album Suddenly it's the Hi-Lo's :
Down The Old Ox Road
Love Walked In
Basin Street Blues

Avec Frankie et sur du velours côtelé dans "I'll Never Smile Again".

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Voir mes petites divagations échouer ici, beau rivage accueillant, me ravit, il n'y a pas de meilleure villégiature dans l'improbable toile.

Bhowani a dit…

Quelle perfection des voicings...!!