22.9.08

Tétrabrik et marketing durable



On n'a vu que ça la semaine dernière sur les affiches parisiennes : Oui aux petits producteurs! Une création de marque atypique et inédite, qui mérite qu'on s'y arrête un moment.
L'initiative de Candia semble louable qui promeut un lait solidaire favorisant la production de petits producteurs du Massif central. C'est surtout l'identité de marque et la communication qui attirent l'attention : par leur tendance à sur-signifier les bonnes intentions de Candia, elles laissent sceptique sur la véritable dimension éco-solidaire du dispositif.

Tout d'abord un nom de produit original, une exclamation en forme de slogan, qui ouvre un nouveau registre, celui des marques pour ainsi dire "politisées" ; on peut le scander en trois temps : un "oui" énorme comme la typo, pour dire combien on est d'accord et une suite bien balancée en 2 X 3 syllabes (aux-pe-tits/pro-duc-teurs !). La vertu d'un nom-manifeste de ce nouveau genre, c'est d'être incontestable (personne n'a envie de leur dire Non ! aux petits producteurs) : il transforme le consommateur en militant enthousiaste du commerce équitable au moment même où ce dernier s'empare de la brique et l'exhibe dans son caddie. Remarquez cependant le saut qualitatif de Candia par rapport à toutes les marques qui rappellent discrètement leurs sources solidaires, via des labels tels que Max Havelaar.
L'engagement solidaire valorisé à la marge chez les autres devient l'identité même chez Candia, c'est gonflé et astucieux !

Passons sur l'amalgame assez flou de la désignation des bénéficiaires, à la fois "petits producteurs" et "exploitations familiales", comme si c'était la même chose. Quid des grandes exploitations familiales et des petits producteurs non familiaux ?

A ces engagements de commerce vertueux (voir le site) où consommateur et marque peuvent clamer de concert leur credo dans l'économie durable et solidaire, une seule voix manque : celles des fameux "petits producteurs". On ne les entend pas, les 16 familles d'exploitants laitiers du Massif central, parler de "comment ce contrat avec Candia leur garantit un prix juste" ? (alors que les anciens distributeurs leur imposaient des prix injustes), de "comment ce nouveau partenaire accompagne techniquement et financièrement les producteurs défavorisés" ?. Accompagnement technique et financier, préoccupation sociale et géographique (ils sont "défavorisés" - aah... nature injuste !) Voilà une grande marque qui prône l'égalité d'accès aux débouchés de production laitière, se donne des missions d'aide socio-économique. Diable, que de promesses ! Et qu'en pensent les exploitants concernés ?

Mais le pompon, c'est l'injonction à laquelle vous avez droit, en tête du packaging : Respirez ! Comme pour dire : "Prenez un bol d'air... et de lait en même temps" (ça s'appelle un zeugme en rhétorique) ; en patois marketing ça s'appelle "deux promesses pour le prix d'un seul produit". Ou alors est-ce que le fait de humer ce bon lait procure l'équivalent d'une randonnée en montagne (métonymie) ? Malin tout ça ! C'est Chamina qui va pas être content... Concurrence déloyale ! Le Vieux Campeur va porter plainte.

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