23.11.07

L'île nue - Kaneto Shindo


Un cinéphile raffiné signale à l'amateur de curiosités et d'ambiances planantes que je suis ce film japonais méconnu, à la B.O. merveilleuse, me dit-il, joyau d'ambient néoclassique, répétitive, colorée par les sons de la nature et de la vie des protagonistes. L’île nue, réalisé par Kaneto Shindô, est sorti le 23 novembre 1960, et primé au festival du film de Moscou en 1961. Tableau contemplatif sur le labeur paysan, ce long métrage en noir & blanc se présente comme une véritable curiosité cinématographique. En effet, le parti pris du réalisateur est de développer une histoire sans dialogues. Entre documentaire et fiction, L'île nue s'inscrit à la lisière du cinéma muet et d'une sorte de néoréalisme à la japonaise, captation du labeur quotidien d'une famille de paysans vivant dans une île sans eau, obligés chaque jour d'aller sur une autre île pour s'approvisionner. Comment fait-on un film avec une si maigre trame ? C'est tout l'art de Shindo qui s'exprime ici, dans une photographie aux contrastes superbes, de longs plans séquences hypnotiques, exaltant la tension et la durée vécue. Il choisit de se concentrer sur la beauté plastique de l'image, le cadrage et le montage au détriment d’un scénario minimaliste. Palliant l’absence de dialogues, le bruissement du vent dans les feuilles, le son des baguettes renforcent l’approche naturaliste du réalisateur.
A cela s’ajoute l’une des clés de la réussite du film, la partition musicale de Hikaru Hayashi, jeune compositeur à l’époque et qui composa pour la première fois une mélodie originale, travaillant en étroite collaboration avec le réalisateur. Faisant écho au cycle du labeur des paysans, le thème principal - véritable leitmotiv -, est utilisé de façons différentes tout au long du film, à partir de subtiles variations exprimant tour à tour tout le prisme des émotions humaines.
"Mais ce qui surprend le plus dans L’île nue, c’est la répétition des images et la longueur des plans. Le port des seaux d’eau à la palanche évoqué précédemment, le maniement de la godille pour faire avancer le bateau, l’arrosage de la terre sont autant de gestes filmés dans de longues séquences avec une patience hypnotisante. ...
Là encore on aurait pu craindre de s’ennuyer devant de telles images. Mais les visions de Shindo associées au thème musical – lui aussi récurrent – de Hikaru Hayashi enveloppent le spectateur dans une bulle de beauté et de contemplation. Regarder L’île nue, c’est comme observer l’apparition d’un arc-en-ciel ou le coucher du soleil … Ici, il y a un amour de la photographie qui rappelle Soy Cuba (1964) de Kalatozov. D’ailleurs le premier plan de chacun des deux films est quasiment identique et d’une beauté comparable (un long travelling aérien sur le décor où va se dérouler le drame)."Georges Kaplan
Nota : dans l'extrait ci-dessous la musique n'apparaît qu'à la fin.



As a “cinematic poem” The Naked Island is a beautiful looking film, so beautiful in fact that it almost seems impossible that Shindo managed to capture the kinds of things that he did. His composition is astounding; showing off a busy foreground, while in the back we have the visual delights of the outer island and yonder. Little things like butterflies playing as if they know the camera is watching them, or fish desperately trying to escape from their line add so much more realism to an almost dreamy-like place. Continuity and editing are the vital components, so effortlessly delivered to perfection that you just have to applaud it; you can imagine that a single shot, like the fishing scene for example could have taken hours to set up, before Shindo had the young boys run over to tend to their catch - it’s that perfectly timed it’s almost like watching a painstaking documentary. In many ways it is; it’s about surviving in the aftermath of atrocity, making do with what you have and appreciating the values of life.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il en va du petit peuple austère et inventif, jamais résigné au néant auquel il doit faire face mais amoureux du vide comme nous aimons tant le plein, comme de l'homme d'Aran chanté par Flaherty dans un autre film aussi inoubliable que celui de Kaneto Shindo. Le Positif de La Femme des Sables de Teshigahara.

Minie a dit…

Alors là merci!! La "découvreuse émerveillée" que je suis (cf. Ladislav Starevitch) n'a jamais oublié ce film vu par hasard autour des années 70 dans un ciné-club (Ranelagh...?), et encore moins oublié la musique que je n'avais jamais ré-entendue!
Et elle est bien telle que je l'avais en tête...
C'est comme un cadeau.
PS: je ne connais pas "Urpo & Turpo", sorti en 96 j'étais sans doute trop débordée de travail pour y avoir prêté attention, honte à moi et pas d'extrait pour rattraper le coup... mais je vais me mettre en chasse!